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Rencontre avec le cinéaste Ferhat Mouhali
L’acteur, réalisateur, documentariste, scénariste Ferhat Mouhali, a réalisé avec son épouse Carole Filiu-Mouhali un beau long métrage documentaire « Ne nous racontez plus d’histoires ! » sur la guerre d’Algérie.
« Ne nous racontez plus d’histoires ! », est un film documentaire, étonnant, courageux et bouleversant de Carole Filiu-Mouhali et Ferhat Mouhali sur la guerre d’Algérie, un regard apaisant, apaisé, sur une histoire écorchée, c’est aussi un nouveau regard plein d’amour pour un rapprochement entre les deux rives pour un avenir meilleur. Il a fallu sept-ans à ce couple de réalisateurs Marseillais Filiu-Mouhali et Ferhat Mouhali pour finir ce film, Ne nous racontez plus d’histoires.
Ce sont deux regards de chacune des deux rives qui se rejoignent en un, qui déchirent des brouillards pour que le soleil puisse briller, dans une quête de vérité et d’espoirs.
Le Matin d’Algérie : Avant de parler de votre film, « Ne nous racontez plus d’histoires ! », qui est Ferhat Mouhali ?
Ferhat Mouhali : Avant de faire du cinéma, j’ai fait des études en économie à l’université de Béjaïa, c’est là que j’ai milité au sein de l’association nationale de jeunes RAJ (Rassemblement Action Jeunesse). Avec les autres membres de l’association, nous faisions du théâtre engagé sur les thématiques des droits humains. Puis j’ai découvert le cinéma documentaire avec les ateliers de Bejaia Doc organisés par la cinéaste Habiba Djahnine durant lesquels j’ai réalisé mon premier court-métrage documentaire “Heureusement que le temps passe”. Il a obtenu le prix du jury au festival national du film amazigh en Algérie et le coup de cœur du public du festival français Point Doc. J’ai réalisé ensuite “Des vies sous silence”, lors de l’université d’été de la Fémis (École nationale supérieure des métiers de l’image et du son) en 2012 à Paris. En 2020, j’ai réalisé mon premier long métrage documentaire « Ne nous racontez plus d’histoires ! ». En tant que comédien, je joue en ce moment dans des séries et longs-métrages français et étrangers.
Le Matin d’Algérie : Parlez-nous de cette collaboration avec Carole Filiu-Mouhali ?
Ferhat Mouhali : Carole est journaliste et elle était en train de réaliser un webdocumentaire sur les femmes algériennes (FATEA) quand nous nous sommes rencontrés. Nous avons travaillé ensemble sur ce projet qui a été diffusé sur TV5 Monde en 2012. Puis quand j’ai réalisé “Des vies sous silence”, elle s’est rendue compte elle aussi qu’elle manquait de connaissances sur la guerre d’Algérie alors qu’elle est fille de pieds-noirs. Nous avons décidé de travailler ensemble à nouveau et de croiser nos regards sur notre passé dans “Ne nous racontez plus d’histoires !”.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur la genèse de ce film ?
Ferhat Mouhali : Quand j’ai fait ma formation à la Fémis en 2012, c’était le cinquantième anniversaire de l’indépendance algérienne et j’ai souhaité réaliser un court-métrage sur ce sujet. Carole a travaillé à mes côtés et après de longues discussions, nous avons réalisé que nous avons reçu chacun une histoire officielle de cette guerre.
Tout au long de la réalisation du film, nous avons découvert des histoires et des souffrances légitimes, isolées, séparées, comme si chaque personne avait souffert plus que les autres. Notre objectif : les réunir et essayer d’avancer, ensemble.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les obstacles rencontrés ?
Ferhat Mouhali : Nous avons rencontré beaucoup de difficultés. Au début de la réalisation, nous avons reçu des financements de différentes institutions de cinéma mais malheureusement, notre producteur de l’époque a fait faillite. Les financements dédiés au film ont disparu et nous avons dû racheter nos droits d’auteur. Le tournage a eu lieu à ce moment-là, en 2015, dans ces conditions déjà difficiles.
Pour être clairs, ce ne sont pas les personnes que nous avons interviewées qui étaient réticentes, mais plutôt les institutions. En Algérie, nous avons demandé l’autorisation de tourner dans une école : nous voulions filmer un cours d’histoire, en parallèle de ce que nous avions filmé en France. Mais jusqu’à ce jour, nous n’avons toujours pas reçu de réponse à notre demande !
À Alger, nous étions discrets quand nous filmions car nous n’avions pas d’autorisation. Quand nous voyagions, chaque passage à la frontière était compliqué, je devais passer plusieurs heures dans les bureaux de la police des frontières pour des « examens de situations » et la police a confisqué définitivement notre matériel lors d’une entrée sur le territoire. À chaque séjour, nous recevions des convocations de la police et nous devions nous rendre au commissariat local pour répondre à leurs questions.
Nous avons ensuite réalisé une collecte sur internet pour financer le montage et nous avons rencontré notre producteur actuel. Si en France, nous n’avons eu aucun problème pour tourner, c’est la diffusion qui s’est avérée compliquée. Les chaînes et institutions de financement contactées trouvaient notre idée « intéressante » mais « trop sensible » et ne voulaient pas prendre le risque de traiter ce sujet. Elles ne s’intéressaient pas aux témoignages recueillis et au regard croisé que nous portions mais voulaient que nous abordions principalement ce que l’Algérie a fait de son indépendance.
Le Matin d’Algérie : Votre film, « Ne nous racontez plus d’histoires ! », est bouleversant, pourquoi ce titre ?
Ferhat Mouhali : Ce qui nous a frappé quand on a commencé à travailler sur ce film, c’est que tous les deux, moi, Algérien ayant grandi et vécu en Algérie, membre d’une famille du FLN, et Carole, fille de pied-noir, baignée dans ce récit depuis son enfance, nous ne connaissions finalement pas grand-chose de cette guerre. Les connaissances que nous en avions étaient totalement disparates alors que chacun avait sa propre vision d’un seul et même événement. En dehors de nos propres récits familiaux et de ce que nous avions reçu à l’école – beaucoup pour moi, pas grand-chose pour Carole – nombreux étaient les trous et les absences. Pour elle, c’était la violence, la cruauté de cette guerre qui avaient souvent été occultées. Pour moi, c’étaient des personnages historiques, des massacres entre Algériens qui avaient été effacés.
L’idée de « Ne nous racontez plus d’histoires » est partie de là, de cette envie de comprendre les raisons pour lesquelles un Algérien et une Française pour qui finalement tout devait être clair, ne connaissaient pas grand-chose à leur passé commun. Tous deux, nous avions le sentiment de nous trouver face à une sorte de mensonge collectif et volontaire et nous avions envie d’en comprendre l’origine. En quelque sorte, nous étions déçus de l’histoire « officielle » et nous avions envie de reconstruire par nous-mêmes cette mémoire.
Ces deux histoires officielles – l’une mythifiée, glorifiée et l’autre du silence et nostalgique du paradis perdu – ces deux versions ne nous arrangeaient pas et nous voulions faire entendre une voix différente de celles que nous avions entendues jusqu’à présent. Nous avons interrogé des témoins mais aussi des lieux qui ont vécu cette guerre. A travers notre caméra, les lieux sont devenus eux-mêmes des outils de révélation de la mémoire. “Ne nous racontez plus d’histoires !”, c’est un film pour apprendre de notre passé et mieux comprendre notre présent.
Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que votre film documentaire, « Ne nous racontez plus d’histoires ! », a atteint son objectif ?
Ferhat Mouhali : Notre film est porté par nos histoires personnelles. Nous y présentons des membres de notre famille, et des images de notre passé. Nous y présentons nos questions, nos doutes, nos espoirs. Nous avons voulu inviter le spectateur avec nous, qu’il sente qu’il nous accompagne. Dans l’art, l’œuvre n’est jamais achevée. Malgré toutes les entraves que nous avons rencontrées, nous sommes très satisfaits de la vie que le film mène. Il a été sélectionné dans plusieurs festivals nationaux et internationaux, nous avons reçu trois prix et surtout le film continue à être projeté. Nous sommes également heureux que notre film soit utilisé comme support pour évoquer la guerre d’Algérie dans des collèges, lycées et universités français. Nous accompagnons notre film pour provoquer des débats dans les salles de cinéma, auprès de tous les publics, que ce soit les plus anciens ou les plus jeunes.
Notre objectif avec ce film, c’est d’ouvrir le débat sur cette période des deux côtés de la méditerranée, de nommer les horreurs commises sans prêcher la haine ou émettre un jugement. Mais plutôt de raconter des faits réels et historiques pour essayer d’avancer ensemble vers une vérité plus apaisée.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous d’autres projets ?
Ferhat Mouhali : Actuellement je suis en développement de mon prochain film de fiction, sur les déplacements des personnes dans le temps et dans l’espace, une thématique qui me tient à cœur depuis longtemps et qui concerne beaucoup de pays en ce moment. Dans ma famille, mon arrière-grand-père, dont l’avis importait peu, a été envoyé en France pour participer à la première guerre mondiale. Gazé par les Allemands, il a été réformé par l’armée française et il est rentré malade en Algérie où il est décédé quelques temps après. Quelques années plus tard, mon grand-père partira lui aussi pour la France où il passera la moitié de sa vie dans des usines. Descendant d’immigré, je vis aujourd’hui à mon tour sur cette terre.
Entretien réalisé par Brahim Saci
vraivrai-films.fr/catalogue/ne_nous_racontez_plus_d_histoires_?fbclid=IwAR3hp8u5jonAn0D3Fox3XcYkZLeRxeXb4OSP5nHHFJ_cmlIPSnBlyws3rHE
mercredi 6 décembre 2023
Le Matin d’Algérie
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Lakhdar Sennane au Cabaret Sauvage
Lakhdar Sennane est cet artiste discret, un chanteur kabyle, auteur compositeur qui ne cesse de monter, tellement son talent est grand. Ces compositions sont de toute beauté, portées avec justesse par une voix douce et puissante qui remplit l’air d’émotions.
Il se produit au Cabaret Sauvage le 3 décembre à 15h, pour notre plus grand bonheur, pour célébrer ces 30 ans de carrière.
Lakhdar Sennane est un chanteur brillant, altruiste, qui fait parler de lui depuis de longues années, par ses productions de qualité, qui touchent et interpellent l’esprit, le cœur se réchauffe, l’oreille est attentive pour tout capter, comme pour ne rien laisser s’échapper, tant l’émotion qui se dégage par sa voix et la mélodie est grande, envoutante.
Lakhadar Sennane chante l’amour avec ses joies et ses peines, la vie avec ses hauts et ses bas, mais aussi l’exil. Si ses rythmes sont souvent dansants ils ne font pas oublier la profondeur des paroles, la force du poème chanté laisse son empreinte dans l’air, comme un baume rafraichissant exhalant un parfum sur les mots guérissant les maux.
En écoutant ses airs, ses compositions, nous sommes transportés comme par magie vers l’Algérie, la Kabylie, vers les cimes du Djurdjura, de l’Akfadou et de Yemma Gouraya, on sent cette brise caressant la terre, traversant le ciel et la mer, remplie de senteurs du bonheur.
Ces chansons sont comme une bouffée d’air salvatrice, qui nous remplit de joie, c’est ce qu’on ressent par exemple en écoutant, Adrar-iw, Ma montagne, c’est un voyage quasi spirituel à travers la Kabylie, ses montagnes et ses valeurs ancestrales, millénaires.
La chanson kabyle revient avec force ces dernières années pour remplir les salles parisiennes, c’est très encourageant.
À ceux qui s’interrogent sur l’avenir de la chanson kabyle et qui s’inquiètent quant à sa relève, lorsqu’on voit le talentueux Lakhdar Sennane, on se dit que la chanson Kabyle a encore de beaux jours devant elle.
Brahim Saci
Vendredi 1 décembre 2023
Le Matin d’Algérie
Lematindalgerie.com
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Élisabeth Tamaris, une vie vouée à l’art dramatique
Élisabeth Tamaris a consacré de longues années à l’enseignement de l’art dramatique au conservatoire municipal Camille Saint-Saëns du 8e arrondissement de Paris, de 2000 à 2008, elle n’a jamais cessé de transmettre le savoir théâtral, dans le but de former les nouvelles générations. Elle a aussi suscité l’admiration de ses élèves par sa façon d’enseigner et par sa façon d’être, par son sourire et sa générosité. Une carrière d’une richesse immense, (une carrière d’une grande diversité) de la télévision à la radio, du cinéma au théâtre et des mises en scènes de génie (des mises en scènes étonnantes).
Élisabeth Tamaris se distingue une nouvelle fois par la mise en scène de, « Ourika », de Claire de Duras, dans ce beau (petit) Théâtre Darius Milhaud, 80 Allée Darius Milhaud, 75019 Paris, à deux pas de la Villette, du 10 octobre au 19 décembre 2023 tous les mardis à 19h et les dimanches 15, 22, 29 octobre, 3, 10 et 17 décembre à 18h, (il reste encore trois dates en décembre le 3, 10 et 17 à 18h).
Le Matin d’Algérie : Vous avez une carrière incroyable, qui est Élisabeth Tamaris ?
Élisabeth Tamaris : Juste quelqu’un qui a toujours aimé les œuvres et l’art sous toutes ses formes, s’est consacrée particulièrement à l’exercice de l’interprétation théâtrale, et a ressenti le besoin de transmettre son expérience et son admiration pour les grands poètes de l’art dramatique, dont parlait si bien des gens comme Maria Casarès ou Laurent Terzieff.
Le Matin d’Algérie : Vous paraissez infatigable, malgré le poids des années, quelle est votre secret ?
Élisabeth Tamaris : Infatigable, ce n’est pas toujours vrai, mais la poursuite d’une activité que l’on aime et qui vous apporte autant est la meilleure des armes, tant qu’on peut matériellement l’exercer. Comme disait l’écrivain Jean Paulhan : « J’aimerais vivre jusqu’à ma mort ». Et bien sûr, c’est un immense privilège.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur l’association Mélane qui présente la pièce « Ourika » de Claire de Duras, comment s’est passée la rencontre avec la comédienne Marie Plateau ?
Élisabeth Tamaris : J’ai rencontré Marie Plateau en jouant avec elle dans plusieurs spectacles de la Compagnie de l’Elan (dans les années 85) et nous avons réciproquement suivi nos parcours depuis. Elle a créé l’Association Mélane, qui a produit plusieurs spectacles liés à la diversité, puis je lui ai « soufflé » l’idée de faire quelque chose à partir du roman de Claire de Duras qui me tenait à cœur depuis longtemps, et dont finalement j’ai fait la mise en scène.
Le Matin d’Algérie : Le message véhiculé par « Ourika » est plus que jamais d’actualité, bien qu’écrit au 19ème siècle, qu’en pensez-vous ?
Élisabeth TAMARIS : En travaillant sur le texte, c’est ce qui nous a particulièrement étonnées. Et cela nous a conduit à faire évoluer le spectacle en mettant sous le regard du spectateur une comédienne métisse d’aujourd’hui qui en travaillant le texte, se laisse happer par l’histoire et le personnage d’autrefois, tellement elle y retrouve son expérience contemporaine des souffrances qu’impliquent toutes les formes de discrimination.
Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que les arts, l’Art dramatique en particulier, peuvent changer notre regard sur monde ?
Elisabeth Tamaris : Le changer, je ne sais pas… L’éclairer, l’enrichir, le nuancer, c’est ce que nous espérons.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur Claire de Duras qui nous a laissés il y a deux siècles, « Ourika », ce texte en avance sur son temps, d’une clairvoyance inouïe.
Élisabeth Tamaris : Claire de Duras était une aristocrate cultivée, tenant, déjà sous l’Empire puis surtout pendant toute la période de la Restauration un brillant salon où se croisaient les gens les plus éminents de l’époque, politiques, artistes, savants, hommes de lettres, comme Madame de Stael, Benjamin Constant, etc… et tout particulièrement Chateaubriand, pour lequel elle a eu une amitié indéfectible. Très marquée comme toute sa génération, par les drames de la Révolution qu’elle a traversés dans sa jeunesse, elle avait une nature hypersensible et lorsqu’elle s’est retirée pour écrire, son premier sujet a été l’histoire réelle qu’elle connaissait de cette jeune enfant sénégalaise, élevée dans la famille de Beauvau, qui était morte (de chagrin ?) à 16 ans, bien qu’élevée et aimée comme une enfant de la maison. Toute la force du roman est liée à la façon dont Claire de Duras s’est projetée dans la conscience de cette jeune femme noire pour lui donner la parole, pour la première fois sans doute dans la littérature occidentale.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les grands noms du théâtre qui vous parlent ?
Élisabeth Tamaris : J’en ai déjà cité deux, je pourrais dire Peter Brook, Jean Vilar, il y en aurait tant d’autres, tous ceux qui ont fait l’histoire du théâtre si vivante au XXème siècle, la liste serait trop longue… Pour le XXIème siècle, j’aurais envie de citer d’anciens élèves qui font un si beau parcours dans la mise en scène et l’interprétation (Igor, Olivier, Louise, Valentine… et les autres !)
Le Matin d’Algérie : J’ai parlé avec beaucoup de vos anciens élèves, ils sont unanimes quant à votre belle façon de transmettre le savoir théâtral, toujours en privilégiant le côté humain, il y a de la magie dans tout ce que vous faites, avez-vous d’autres projets en vue ?
Élisabeth Tamaris : D’autres projets, avec Marie Plateau et l’Association Mélane, liés à la Lecture à Voix Haute, discipline qui nous passionne en ce moment et pour laquelle nous animons des ateliers qui vont se développer prochainement.
Pour le reste, on verra ce qui se présentera, je veux surtout vous remercier ainsi que mes anciens élèves, pour la gentillesse de leurs témoignages !
Entretien réalisé par Brahim Saci
vendredi 24 novembre 2023
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Rencontre avec l’écrivain Jean Calembert
Jean Calembert vient de nous surprendre avec la publication d’un livre passionnant, un roman, Le Mal-Aimé, chez Bitbook.be. Jean Calembert a un parcours des plus atypiques, docteur en droit, expert en marketing, il a parcouru le monde avant sa plongée et une immersion passionnée dans la littérature à l’âge de 77 ans.
Le Mal-Aimé interroge et interpelle, voguant entre le réel et la fiction, il ne laisse pas le lecteur indifférent. Page après page nous sommes captivés par la fluidité et la profondeur de la narration.
Le Matin d’Algérie : Vous avez un parcours atypique, qui est Jean Calembert ?
Jean Calembert : Je suis né à Liège le 4 août 1942 et j’ai eu, après mes études de droit, un parcours de « guru » marketing assez chaotique dans de grandes multinationales. D’abord avant de créer ma propre société, une PME, en 1988. On était deux au début, on a fini à plus de vingt employés, et on est devenu un des acteurs principaux au niveau mondial dans une niche, le domaine des études de marché qualitative dans le monde agricole.
En parallèle, j’ai toujours mené une vie artistique assez intense, avec un fort investissement dans la photo et dans la peinture. Comme j’étais un pion important dans les multinationales et le patron de ma PME, j’ai pu prendre entre mes longs voyages à l’étranger – à Pâques, durant l’été et pendant les fêtes de fin d’année – de nombreuses périodes de repos, le plus souvent dans mon petit paradis de Laborel en Drôme provençale où j’ai fait construire une petite maison en 1988-1989.
Le Matin d’Algérie : D’où vous vient cette passion pour l’écriture ?
Jean Calembert : Depuis mes 15 ou 16 ans, j’ai toujours beaucoup lu grâce à un génial professeur de français : Rimbaud, Apollinaire, Mauriac, Malraux, Camus (surtout…), Radiguet, Nimier, Faulkner entre autres et surtout Nabokov (Lolita). A 18 ans, mon père (géologue) m’a envoyé aux USA pour me persuader d’abandonner mon idée de faire le droit. J’y ai découvert Joyce, Miller (Henri), Kerouac, John Fante et bien d’autres. Et depuis, je n’ai jamais arrêté de lire, surtout des auteurs américains (Nathaniel West, Baldwin, Auster, Harrison), mon idole dans ses premiers livres (Murakami) mais j’aime moins les derniers, Houellebecq et un fantastique écrivain belge, Jean-Philippe Toussaint.
J’ai toujours beaucoup écrit mais plus en anglais qu’en français, des milliers de rapports pour mon boulot, pour des gens qui parlaient mal l’anglais, n’aimait pas lire et étaient avant tout des vendeurs ou des commerciaux. Les rapports étaient rédigés en PowerPoint, un logiciel où les graphiques avaient la priorité sur le texte. Il était donc essentiel d’utiliser des mots simples, des phrases courtes, des « histoires » avec un fil rouge clair faciles à mémoriser. Je crois que cette expérience a été déterminante dans ma façon d’écrire.
À 77 ans (en Belgique, on est jeune de 7 à 77 ans selon le journal de Tintin), le jour de mon anniversaire, j’ai eu une illumination et j’ai décidé de me lancer dans mon premier roman, « Joe Hartfield, l’homme qui voulait tuer Donald Trump », malgré le titre un hymne à l’amitié … et au jazz. J’y ai pris un énorme plaisir … et mes lecteurs aussi. J’étais devenu un écrivain malgré moi ! Et c’est aussitôt devenu une passion. Je viens d’écrire Le Mal-Aimé et j’ai depuis quels jours un nouveau roman en jachère.
Le Matin d’Algérie : Pourquoi ce livre ?
Jean Calembert : Je voulais continuer à écrire. Murakami dans son livre « Profession écrivain » dit que c’est facile d’écrire un bon livre mais qu’un écrivain se construit dans la durée. Malgré la malédiction attribuée au second roman, je me suis lancé ce défi et je crois l’avoir réussi ! Le Mal-Aimé est très différent du premier roman. C’est un livre plus court, plus construit, une chronique familiale aux forts accents chabroliens. Les lecteurs qui ont acheté, Joe Hartfield, ont presque tous adoré, Le Mal-Aimé, et vice-versa. J’ai maintenant un noyau dur de fans qui attendent mon troisième roman !
Le Matin d’Algérie : Le titre, Le Mal-Aimé, nous interpelle, on ne peut s’empêcher de penser à la chanson du mal aimé de Guillaume Apollinaire, à cet impossible amour, qu’en pensez-vous ?
Jean Calembert : En fait, le poème d’Apollinaire n’a pas eu d’influence sur moi, je le connaissais mais je l’avais oublié. J’avais d’abord intitulé le livre Les Mal-Aimés, juste comme ça, parce que cela me semblait être applicable à tous les personnages principaux. Puis j’ai changé en Le Mal-Aimé car je trouvais que cela répondait à ma volonté de rendre hommage à mon père, une personne extraordinaire mais que j’avais injustement mal aimé… Et j’ai donc choisi ce titre sans penser à Claude François (ouf !!!). Ce n’est que plus tard que je me suis souvenu de la chanson d’Apollinaire, un de mes poètes préférés avec René Char et Blaise Cendrars.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les auteurs qui vous parlent ?
Jean Calembert : J’en ai parlé plus haut. J’y ajouterai André Hardellet, Lawrence Ferlenghetti, Richard Brautigan et des auteurs moins connus comme Georges Fourest, Jean-Bernard Pouy et Samira Sedira. Et quand j’aime un auteur, j’achète presque tous ses livres !
Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que la littérature soit salvatrice dans le monde tourmenté d’aujourd’hui ?
Jean Calembert : Je crains que non. La littérature de qualité est pour moi et une minorité de gens, bien ou mal pensants, un « médicament ». Comme le théâtre, la peinture, la sculpture, la chanson engagée, le rap de qualité, le cinéma. Pour d’autres, c’est la TV, les chaines d’informations continues, l’alcool, la drogue, TikTok, le foot.
Mais qui se soucie de la littérature dans l’immense majorité des personnes, désespérées, abruties par la société de consommation, les « fake news », leur « struggle for life » ?
Le Matin d’Algérie : Un dernier mot
Jean Calembert : Non deux. Lire délivre !
Entretien réalisé par Brahim Saci
mercredi 22 novembre 2023
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Rencontre avec le thérapeute et ethnopsychiatre Hamid Salmi
Hamid Salmi est thérapeute, formateur en ethnopsychiatrie, psychologue, chercheur en ethnopsychiatrie, il fut formé à l’école de Georges Devereux, il fut aussi chargé de cours à l’Université Paris VIII. C’est un thérapeute de renom, il est l’un des rares spécialiste dans le domaine de l’ethnopsychiatrie. Une discipline plus que jamais d’actualité dans une époque écorchée où l’individualisme et l’indifférence touchent les plus faibles, notamment les populations de diverses origines, issues de l’immigration, là où la psychologie et la psychiatrie se trouvent dans l’impasse, l’ethnopsychiatrie apporte des réponses.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes universitaire avec un parcours étonnant, qui est Hamid Salmi ?
Hamid Salmi : Je suis né en Algérie pendant la guerre de libération. À l’âge de cinq ans, J’ai quitté la Kabylie avec une cousine pour rejoindre mon père qui était commerçant en Oranie, à Hammam-Bou-Hadjar. Bien plus tard, en 1973, à l’âge de 23 ans, je suis parti en France, après avoir obtenu une licence en psychologie à l’université d’Oran. Chacun de ces lieux et chacune de ces périodes a laissé en moi des empreintes indélébiles.
La Kabylie, c’était le monde villageois avec ses champs, sa rivière, ses sources, toutes ses traditions agraires, ses initiations culturelles, ses poétesses, ses guérisseurs. Mais tout cet ordre ancien était effracté et bouleversé par la colonisation. Il y avait les maquisards qui nous rendaient visite la nuit et les militaires qui venaient le jour. J’ai gardé en mémoire beaucoup d’images, de scènes et de paroles. J’ai pu élaborer, bien plus tard, des blessures psychiques enfouies provoquées par la guerre. De ce fait, je me suis intéressé dans mes recherches aux traumatismes transgénérationnels générés par des génocides ou des massacres à grande échelle un peu partout dans le monde.
Ma période en Oranie est marquée par le monde multiculturel de l’époque. Je parlais à mon père en kabyle, j’entendais la derja, la langue espagnole, le français, les autres parlers amazighs du Rif ou du Sous… Le magasin de mon père constituait une interface entre le monde du dedans et celui du dehors. J’étais immergé dans tous les échanges en arabe dialectal avec ses proverbes, ses métaphores…ll y avait aussi la radio qui égrenait continuellement ses chants rythmés ou nostalgiques chaâbi, kabyle, égyptien, au rythme saccadé cette machine à coudre de mon père.
Je faisais d’ailleurs mes devoirs sur la table de cette machine à coudre où je tissais, moi aussi, mes premières phrases en français et plus tard en arabe classique. Ce riche monde de la culture orale et écrite m’a préparé à mon futur travail de médiateur entre la raison graphique et les systèmes de pensée populaires. J’étais, en quelque sorte, poussé à créer un espace métissé pour articuler les logiques institutionnelles modernes aux logiques culturelles traditionnelles portées par les migrants.
Ma troisième période en France est marquée, dès ses débuts, par la rencontre dans les hôpitaux et les services sociaux, avec mes compatriotes ouvriers nord-africains confrontés à l’épreuve de l’exil et aux conflits intergénérationnels avec leurs propres enfants nés en France. Les deux précédentes séquences de ma vie m’ont donné une bonne partie des outils cliniques et culturels pour les comprendre, les aider et les soigner.
Le Matin d’Algérie : Votre rencontre avec Georges d’Évreux et Tobie Nathan a-t-elle été déterminante ?
Hamid Salmi : À l’université d’Oran, un coopérant, professeur de psychologie sociale, connaissant ma passion pour l’anthropologie et la clinique m’a appris l’existence d’une discipline appelée Ethnopsychiatrie dont le fondateur est Georges Devereux. J’ai aussitôt contacté ce dernier et lui ai envoyé mon mémoire qui portait sur les techniques de guérisons traditionnelles, appréhendées d’un point de vue psychanalytique et ethnologique. Il m’a répondu favorablement et m’a fixé un rendez-vous dans la région parisienne pour un entretien original. Ainsi, j’ai pu être admis à poursuivre mes recherches avec lui dans le cadre de cette discipline qu’est l’Ethnopsychiatrie. Dans son séminaire, j’ai pu rencontrer son ancien élève Tobie Nathan. Quelques années plus tard en 1985, j’ai rejoint Tobie Nathan qui a créé la première consultation d’ethnopsychiatrie à l’hôpital Avicenne à Bobigny. C’est dans ce cadre que mon être en multiples fragments de vie s’est unifié. C’est via cette longue expérience clinique groupale que mes divers savoirs, accumulés dans différentes disciplines, sont devenus tangibles, actifs et efficients.
J’ai eu la chance de recevoir l’enseignement complexe du fondateur Georges Devereux et la pratique effective de l’ethnopsychiatrie transmise par mon ami et maître en clinique Tobie Nathan.
Le Matin d’Algérie : Votre culture d’origine berbère kabyle vous a-t-elle aidé dans vos recherches en ethnopsychiatrie ?
Hamid Salmi : Tout à fait, le fait d’être né dans un village kabyle avec sa riche culture orale et ses anciennes traditions m’a permis par exemple, de mieux comprendre les différents groupes et ethnies de l’Afrique sub-saharienne. Je me suis intéressé aux divers dispositifs traditionnels de concertation et de médiation comme l’assemblée villageoise (agraw), l’arbre à palabre… Pour comprendre les patients, il est important de connaitre, d’expliciter et d’utiliser les systèmes de pensée populaires qui sont nichés au cœur des contes, des mythes et des légendes de différents peuples.
Le Matin d’Algérie : Là où la psychologie moderne et la psychiatrie en particulier patinent, l’ethnopsychiatrie ouvre des voies, qu’en pensez-vous ?
Hamid Salmi : On peut le dire, l’ethnopsychiatrie, se situant entre différentes disciplines, est une recherche ouverte et une clinique créative. Elle fait rebondir les multiples concepts et élimine ceux qui ne sont pas ou plus opérants et efficients dans la clinique des migrants et des autochtones. Cette discipline tient compte de tous les segments d’une culture tels que les systèmes linguistiques, initiatiques, culinaires, ceux de l’alliance, de la parenté et de la filiation…C’est à la fois une thérapie groupale et familiale. Elle respecte et met en lumière également la nature et la singularité irréductible de la personne.
Les symptômes et les désordres psychologiques sont codés par la culture d’origine du patient. Il faut comprendre scientifiquement ce que signifient, par exemple, la notion de mauvais œil, possession, envoûtement… sans les réduire à des diagnostics structurels construits par la psychiatrie et la psychologie classique. Mais, nous travaillons, à la fois, pour créer des ponts entre les disciplines scientifiques et pour maintenir et encourager les complémentarités entre les différents praticiens qui entourent les patients.
Le Matin d’Algérie : Dans un monde qui a tendance à se refermer de plus en plus, l’ethnopsychiatrie a plus que jamais sa place, êtes-vous souvent sollicité par les acteurs sociaux et les médecins ?
Hamid Salmi : En effet, je suis sollicité par de nombreuses institutions sanitaires, éducatives, judiciaires, culturelles, religieuses. J’ai traversé depuis plus d’une trentaine d’années toutes ces institutions pour donner des conférences, former des professionnels, intervenir auprès de patients difficiles, superviser des équipes, créer des consultations, des groupes de parole dans des quartiers difficiles, des centres sociaux, des collèges, des prisons…C’est un travail passionnant, gratifiant et les résultats dépassent souvent mes espérances. J’aurai tant aimé transmettre le fruit de toute cette expérience aux professionnels en Algérie.
Le Matin d’Algérie : L’ethnopsychiatrie est une discipline assez récente, a-t-elle atteint ses objectifs ?
Hamid Salmi : Je peux dire que l’ethnopsychiatrie a atteint ses objectifs du point de vue de la recherche, de la complexité et de l’efficience de ses concepts. Elle s’est assez répandue en France et dans quelques pays occidentaux francophones. J’ai également enseigné cette discipline en Italie et au Canada. Mais, il reste toujours tant à faire sur le terrain clinique, éducatif et social.
Entretien réalisé par Brahim Saci
vendredi 17 novembre 2023
Ethnopsychiatrie : Cultures et thérapies, entretien
Catherine Pont-Humbert, Hamid Salmi, Édition Vuibert
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« Nancy-Kabylie », un livre poignant de Dorothée-Myriam Kellou
Dorothée-Myriam Kellou vient de nous émerveiller par la publication d’un livre poignant, « Nancy-Kabylie », paru chez les Éditions Grasset. Ce livre époustouflant de beauté, de vérité, arrive comme un éclair dans le paysage littéraire parisien.
Nancy-Kabylie, un livre bouleversant. Il bouscule, il écorche, il interpelle le cœur et l’esprit, accapare le lecteur dès les premières pages pour ne plus le lâcher et celui-ci se laisse emporter par chaque ligne, par chaque page, par les souvenirs attachants mais souvent rudes d’une époque, d’une injustice passée sous silence, qui l’enveloppent et l’interrogent.
Dorothée-Myriam Kellou est animée par une quête perpétuelle quasi-spirituelle, de vérité, tentant d’apporter à chaque fois dans chaque création un éclairage nouveau. Rencontre.
Le Matin d’Algérie : Vous venez de publier un fabuleux livre Nancy-Kabylie, chez les Éditions Grasset, mais avant de parler de votre livre, qui est Dorothée-Myriam Kellou ?
Dorothée-Myriam Kellou : C’est une très bonne question. Qui suis-je ? Qui sommes-nous ? Car la quête est aussi collective. J’essaie d’y répondre dans mon livre en prenant ces détours par la France, l’Égypte, la Palestine, les États-Unis et l’Algérie. Mon père, Malek, qui a longtemps été silencieux sur son histoire m’a raconté dernièrement un mythe berbère sur l’identité. Nous sommes un miroir brisé. Toute notre vie durant, nous allons chercher les morceaux de ce miroir dispersés pour retrouver notre image. Grâce à ce livre, j’ai retrouvé de nombreux morceaux, mais il m’en reste beaucoup d’autres à trouver.
Le Matin d’Algérie : Vos créations sont toujours une quête de vérité, briser les silences à tout prix, d’où vous vient cette soif de liberté ?
Dorothée-Myriam Kellou : Peut-être me vient-elle de mes parents, qui tous deux ont eu soif de liberté très jeunes ? Mon père Malek a quitté son village, son pays pour embrasser le rêve du cinéma et se marier avec ma mère, Catherine, née dans une famille de la grande bourgeoisie, milieu qu’elle a souhaité quitter à son tour pour faire l’expérience du monde, du voyage et de la liberté.
Le Matin d’Algérie : Parlons de votre livre, il semble être le plus personnel, Nancy Kabylie, pourquoi le choix de ce titre ?
Dorothée-Myriam Kellou : J’ai aimé l’idée du tiret dans Nancy-Kabylie. J’ai longtemps cherché mon histoire algérienne. J’ai grandi à Nancy, voyagé et vécu en Égypte et en Palestine, étudié l’histoire et la langue arabe en France et aux États-Unis. Quand je suis arrivée à Mansourah, dans le village de mon père, dans le Sud de la Kabylie, ma famille me parlait en kabyle. J’ai alors pris conscience que le premier voyage que je cherchais à faire était Nancy-Kabylie, pour retrouver la langue, la mémoire, l’histoire du village kabyle où a grandi mon père.
Le Matin d’Algérie : Parlez-nous de la genèse de ce livre ?
Dorothée-Myriam Kellou : J’ai réalisé un podcast pour France culture, qui s’appelle l’Algérie des camps. Il s’agit d’une enquête de deux heures en huit épisodes qui interroge les conséquences du déracinement en masse qu’a subi la population algérienne pendant la guerre d’indépendance. À l’issue de la diffusion de ce podcast, j’ai reçu un mail de Pauline Perrignon, éditrice chez Grasset. Elle m’a demandé si j’avais le désir d’écrire. Elle avait senti en moi « une voix d’auteure », m’a-t-elle dit. J’avais déjà écrit une cinquantaine de pages sur la base de notes que j’avais prises lors de la réalisation de mon film À Mansourah tu nous as séparés (2019), où mon père était le fil rouge de l’histoire. J’ai alors osé poursuivre ce voyage intérieur et écrire ce livre de manière très intime.
Le Matin d’Algérie : Vous connaissez le poids du silence, en quoi votre livre est-il un travail de mémoire ?
Dorothée-Myriam Kellou : Je dis que c’est un travail de mémoire librement réimaginé. Je me suis laissée une liberté pour réécrire ma quête à partir de mes souvenirs de ce « grand voyage initiatique », comme l’appelle mon père. Grâce à ce travail de mémoire, commencé avec le film, À Mansourah tu nous as séparés, poursuivi avec le podcast, l’Algérie des camps, et le livre Nancy-Kabylie, j’ai été capable de chercher du côté de l’oubli l’histoire de mon père, de son peuple et de faire exister des paroles silenciées. Ce silence m’était insupportable. J’avais besoin que mon père me raconte, que les siens me disent ce qu’ils avaient vécu, dans l’intime, au plus profond d’eux-mêmes, pour comprendre leurs blessures, celles dont nous avons héritées en silence.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur votre père Malek
Dorothée-Myriam Kellou : Mon père s’appelle Abdelmalek Kellou. Cela m’étonnait toujours enfant de voir son prénom écrit différemment par l’administration française, tantôt Abdelmalek, tantôt Malek. Pour moi, il était papa Malek. J’étais très admirative de lui et le reste. Il a franchi terres et mer pour réaliser son rêve de faire du cinéma, pour s’exprimer librement, de manière créative. Enfant, j’aimais qu’il me fasse découvrir de beaux films d’auteurs au cinéma et qu’il me parle de ses projets de films. Plusieurs n’ont jamais abouti. L’un d’eux (Lettres à mes filles) a donné naissance à mon film, À Mansourah tu nous as séparés. Aujourd’hui, il termine un nouveau projet de film qui retrace l’histoire de son fantôme : le sergent Blandan, une statue coloniale qui se trouvait sur la route de son village à Alger, à Boufarik, et a été rapatriée et érigée sur la place publique à Nancy, où lui, l’exilé s’est installé et où nous avons grandi, ma sœur Malya et moi.
Le Matin d’Algérie : Votre double culture française algérienne vous a-t-elle aidée ou freinée dans votre carrière artistique ?
Dorothée-Myriam Kellou : Je pense que ce double ancrage est à la fois frein et élan. Cette part algérienne est toujours difficile à vivre en France. Les injonctions à la discrétion voire à l’effacement sont encore nombreuses. Mais c’est aussi une source d’inspiration et de création intarissable. Notre histoire, à nous descendants de colonisés, nous place en marge. Le défi est de ne plus faire de notre histoire une note de bas de page. Il faut œuvrer pour la remettre au centre, avec dignité et créativité. Nous sommes de plus en plus nombreux à le relever.
Le Matin d’Algérie : Avez-vous des projets en perspective ?
Dorothée-Myriam Kellou : Je travaille sur un projet artistique avec le musée des beaux-arts de Nancy pour imaginer un contre-regard sur cette statue du Sergent Blandan, héros de la conquête coloniale, qui faisait si peur à mon père, enfant.
Le Matin d’Algérie : Maintenant il vous reste à apprendre le kabyle, qu’en pensez-vous ?
Dorothée-Myriam Kellou : Oh, j’aimerais tant ! Mais où ? Nous manquons d’espaces et de lieux pour l’apprendre en France. Quand je vais dans un café kabyle à Paris, je leur demande toujours de m’apprendre un mot. Je collectionne les mots. Peut-être que dans un an, j’en aurai déjà 365 ?
Entretien réalisé par Brahim Saci
mercredi 15 novembre 2023
« Nancy-Kabylie », Dorothée-Myriam Kellou, Grasset, octobre 2023
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Rencontre avec l’actrice réalisatrice Catherine Belkhodja
Catherine Belkhodja est une artiste franco-algérienne au parcours atypique : auteure, plasticienne, reporter, performeuse, poétesse ou script doctor, on la connaît comme actrice réalisatrice, mais elle est aussi licenciée en philosophie, urbanisme, et architecte DPLG.
Après un passage à l’Education nationale, elle se spécialise en architecture bioclimatique, travaille comme urbaniste au schéma directeur de l’éclairage, poursuit ses recherches en philosophie jusqu’à l’obtention d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en esthétique. Sa soif des arts ne s’arrête pas là. Après des études de théâtre au Conservatoire d’Alger, elle étudie au Conservatoire supérieur d’art dramatique de Paris, et commence une immersion fulgurante dans le monde de la télévision et du cinéma.
Le Matin d’Algérie : Vous avez un parcours fascinant. qui est finalement Catherine Belkhodja ?
Catherine Belkhodja : Fascinant, je ne sais pas. Atypique surtout, car je suis avant tout curieuse de découvrir le monde et d’expérimenter différentes approches créatives. J’aime rencontrer de belles personnes qui me font partager leur regard sur le monde et leur univers.
C’est pourquoi je consacre une partie de ma vie au questionnement : – questionnement philosophique mais aussi questionnement plus global envers les êtres qui m’entourent, leur culture, leur façon de vivre quotidienne ou leur créativité, le plus beau cadeau qu’on puisse me faire c’est de m’ouvrir des frontières en me faisant partager de nouvelles connaissances.
Nous avons tous le devoir de transmettre nos savoirs et d’apprécier ce que les autres ont la générosité de nous transmettre. J’ai eu le privilège de pouvoir suivre les études qui m’intéressaient mais les savoirs ne se limitent pas aux études officielles ou académiques. On peut apprendre de tous les êtres qui nous entourent, y compris de personnes qui n’ont jamais suivi d’études. J’apprécie particulièrement les autodidactes qui ont tracé leur propre parcours en s’inventant les outils pour le faire. C’est d’ailleurs le cas de mon cher père qui m’a beaucoup appris. Il nous a toujours incités à progresser, à aller de l’avant, en dépassant nos limites. De lui j’ai gardé le goût d’aller toujours plus loin, au-delà de ma zone de confort.
Le Matin d’Algérie : Quelle pourrait être votre devise ?
Catherine Belkhodja : Ma devise serait d’inventer chaque jour sa vie. J’ai pratiqué de nombreux métiers qui m’ont tous comblée… jusqu’à ce que j’en fasse le tour. Au début, il est évident que je devais surtout assurer mes moyens d’existence et celle de ma famille. Mais c’est toujours intéressant de s’adapter au Réel tout en se projetant vers un futur plus conforme à nos désirs. Il ne faut jamais renoncer à nos rêves d ‘enfance. Je n’ai jamais songé spécifiquement à « faire une carrière » mais plutôt à réaliser différents projets, aussi variés soient-ils, en fonction de mes centres d’intérêt, en créant un terrain favorable pour m’y préparer et en me forgeant les moyens de les réussir. Je n’ai jamais fini d’apprendre et j’aime penser que le futur me réserve encore bien des surprises. Naturellement, plus on avance, et plus les projets deviennent des défis qui nécessitent davantage de moyens, de ténacité ou de patience.
Par ailleurs, il m’a toujours paru important de réserver une partie de mon temps à la création d’un monde meilleur en s’impliquant dans des actions concrètes pour faire avancer des questions qui me tiennent à cœur comme la cause des femmes, l’écologie, la promotion des cultures, la situation des seniors, le droit des peuples …Chaque avancée est précieuse et mérite d’être tentée.
Je suis fière et heureuse d’avoir pu collaborer à la lutte contre le gaspillage alimentaire et la distribution aux associations, l’amélioration des EHPAD, l’observatoire de la diversité, la promotion des femmes, des énergies douces, d’artistes divers ou la défense de l’environnement.
L’art occupe cependant la majeure partie de ma vie. Il m’est absolument indispensable, même si les supports utilisés varient souvent : peinture, sculpture, installations multi- médias ou performances alternent avec le théâtre (actrice, adaptatrice, auteure ou mises en scène), le cinéma, la télévision (conception, animation, journaliste ou réalisatrice) ou l’écriture (poésie, haikus, nouvelles, scénarios). Cette forme d’art protéiforme peut désorienter parfois mais dans la mesure où je ne cherche pas des prouesses techniques, ces recherches ne sont pas incompatibles et se nourrissent mutuellement. J’ai grand plaisir aussi à organiser des évènements culturels (expositions, concours ou spectacles), pour moi, chaque journée est différente.
Cette nuit par exemple, j’ai conçu et réalisé la structure d’une sculpture en grillage métallique et matériaux de récupération divers (cartons, tissus, charriots, papiers et manche à balai) pour une exposition collective sur le thème de la différence inaugurée le 1 décembre. Mains griffées en coupant le grillage avec quelques restes de colle à effacer avant un casting. Le matin, les dernières corrections d’un article pour une publication dans une revue à laquelle je collabore. Dans la foulée, réponse à une interview sur Chris Marker avec qui j’ai travaillé une trentaine d’années.
J’organise en effet un festival Chris-Marker au cinéma Le Méliès de Montreuil avec l’équipe de programmation. Une séance de travail pour élaborer l’animation d’une conférence à l’Université du Caire ou la programmation d’une résidence artistique à Louxor. Au passage, noter quelques haikus sur le thème du scarabée ou travailler le fond d’une toile en devenir. Pause relax pour relire une pièce surréaliste de Jayne Mansour dont je dois assurer la mise en scène au printemps 2024, pour l’anniversaire des 100 ans du surréalisme à la Maison André Breton. Contacter un photographe au Sénégal pour une exposition sur les masques de lions ou la conception d’un nouveau magazine.
La journée se poursuit ainsi sur des chapeaux de roue, incluant films, livres ou pièces de théâtre à chroniquer. Depuis que mes enfants sont autonomes, et après le décès de mes parents dont je me suis beaucoup occupée en fin de vie, je peux me donner davantage à mes propres recherches ou activités. J’aime aussi être surprise avec des propositions de collaboration diverses pour des textes, des mises en scène, des conférences ou des expositions.
Le Matin d’Algérie : Depuis votre enfance à Alger, vous êtes habitée par les arts, l’art dramatique en particulier, pouvez- vous nous en parler ?
Catherine Belkhodja : Mes premiers cours datent effectivement de mon adolescence, au Conservatoire d’Alger où j’étudiais le violon, le solfège et la diction. C’est aussi à Alger que j’ai fait mes premiers pas au théâtre.
Je me souviens d’une toute petite apparition dans « Mon corps, ta voix et ta pensée » (dans un petit théâtre situé derrière « Les Galeries algériennes ») qui était passée aux actualités à la télévision algérienne et m’avait valu les taquineries de mes camarades de lycée. J’avais adoré aussi participer aux pièces présentées au lycée. Plus tard, on m’avait proposé de rejoindre la troupe de Kateb Yacine pour « Mohammed prends ta valise » mais mon père s’y était opposé.
Lorsque j’ai eu ensuite l’opportunité d’interpréter un petit rôle d’institutrice dans un film de Lallem, j’avoue que j’ai désobéi et me suis rendue sur le tournage. Si je me souviens bien, j’avais été repérée au club d’équitation de Blida pour une scène à cheval et voulais saisir cette chance. Par la suite, une partie de l’équipe avait quitté le tournage et j’ai eu l’opportunité de remplacer au pied levé la script girl, l’occasion pour moi découvrir les rudiments d’un tournage. J’avais participé aussi à la création de décors en réalisant plusieurs affiches de films lorsque j’étais étudiante aux Beaux-arts d’Alger.
Après mon bac, j’ai eu l’autorisation de poursuivre mes études à paris. Là, j’ai rejoint aussitôt une petite troupe de théâtre d’avant-garde, avant de prendre de nouveau des cours au conservatoire du cinquième arrondissement, puis du Conservatoire national Supérieur. Malheureusement je ratais certains des cours car je devais aussi gagner ma vie. Mon agent Myriam Bru avait décroché mes premiers rôles. Mes premiers cachets m’ont permis de quitter l’Education Nationale et de publier mes premiers articles, avant de rejoindre l’agence Gamma TV au début comme journaliste, puis présentatrice d’émissions TV avant de rejoindre la réalisation de sujets sociétaux. Par la suite j’ai proposé des concepts, animé des émissions TV, réalisé mes premiers courts métrages et décroché un sept d’or pour l’émission Taxi, avant de me tourner vers le cinéma.
Le Matin d’Algérie : Vos enfants font tous du cinéma, Léonor, Kolia, Jowan, Maïwenn et Isild font une carrière impressionnante. Pouvons-nous dire que vous leur avez transmis le gène de la création ?
Catherine Belkhodja : Disons que je leur ai surtout transmis l’amour du cinéma mais ils n’ont pas tous souhaité en faire une carrière.
Léonor, qui a étudié la musique à mi-temps au Conservatoire de Paris est devenue auteure-compositrice et suit une brillante carrière en sociologie de la littérature. Elle a enseigné dans plusieurs universités, a créé une école de français en République dominicaine, tout en étant chercheuse, script doctor et journaliste.
Kolia, avec des débuts très prometteurs comme acteur (deux rôles principaux primés et excellentes critiques) a préféré s’orienter vers des activités humanitaires et la médiation culturelle. Jowan, a préféré poursuivre comme chef opérateur et documentariste. Lui aussi adore son métier et est capable de résister à des conditions climatiques redoutables pour réaliser ses films. Son premier documentaire a été sélectionné au film du Réel et acheté par ARTE.
Seules Isild et Maiwenn ont souhaité poursuivre comme actrices, mais sont devenues également auteures et réalisatrices. Contrairement à ce qu’on a pu lire dans certains journaux, je n’ai pas spécialement cherché à « pousser » mes enfants dans ces métiers mais comme ils vivaient avec moi, ils ont constaté le plaisir dans mon travail et participaient à certains projets.
Mes filles ont sans doute aussi pu comprendre les difficultés du métier et les luttes pour parvenir à faire les films que l’on porte en soi. Ces expériences ont sans doute été bénéfiques pour elles car elles ont pu résister aux obstacles et aller jusqu’au bout de leurs projets. Pourtant, ce n’était pas facile pour elles car elles étaient jeunes et ne sortaient pas d’une école de cinéma. Néanmoins leur forte personnalité leur a permis de vaincre les résistances et de s’imposer dans un métier où les femmes ont plus de difficultés à trouver des financements. Elles n’ont pas hésité d’ailleurs à devenir elles-mêmes productrices de leurs propres films avant d’acquérir la confiance des producteurs, grâce à leur succès. Ce sont de vraies battantes qui ne renoncent jamais. Je n’ai sans doute pas été une mère modèle mais je suis fière d’avoir transmis l’amour du travail bien fait et le courage de tenir bon même quand les obstacles nous découragent.
Ce n’est pas si facile de concilier travail et maternité. Il faut privilégier les priorités. On fait forcément des erreurs mais pour moi, ce qui importe le plus c’est d’aider nos enfants à trouver leur voie en leur permettant d’être autonome avec un métier qu’ils aiment et qui les rend heureux.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur votre père, Kaddour Belkhodja qui nous a quittés à l’âge de 90 ans.
Catherine Belkhodja : Je n’ai pas la mémoire des dates. Papa était un vrai patriarche. Terriblement autoritaire mais très attentif et impliqué dans notre éducation. Il venait d’une famille aisée mais avait perdu son père très jeune. Comme de nombreux émigrés, il a rejoint la France pour gagner sa vie. Il a toujours été un exemple pour moi : Hyperactif, il arrivait à concilier son travail, ses activités militantes, et avait une constante soif d’apprendre et d’étudier. Il n’avait que son certificat d’études en arrivant en France mais tout en travaillant dur et en suivant des cours le soir, a fini par décrocher deux doctorats …Un vrai autodidacte qui en plus s’impliquait beaucoup dans la vie familiale. Il a toujours partagé avec ma mère les tâches du foyer : un vrai féministe avant l’heure, ce qui était plutôt rare à son époque et avec l’éducation reçue. Par contre, il était très autoritaire et pouvait nous terroriser parfois. Comme nous étions trois filles, il a toujours considéré que nous devions poursuivre des études.
Mais il était beaucoup moins généreux pour les autorisations de sortie !
Il a été un grand spécialiste de l’émigration algérienne et a réuni des documents précieux qui feront sans doute l’objet d’une future publication. Il a écrit aussi un livre plus personnel qui sera publié prochainement. C’était aussi un conteur né, et un vrai médium doué de facultés télépathiques qu’il m’a aussi transmises. Ma mère aussi était une femme exceptionnelle d’une grande personnalité. Mon père l’adorait et la respectait infiniment.
Le Matin d’Algérie : Vous avez à votre actif dix-sept longs métrages, douze courts métrages, neuf téléfilms, cinq pièces de théâtre. Quels sont vos souvenirs ou projets au théâtre ou de cinéma ?
Catherine Belkhodja : Je regarde rarement le passé et suis plutôt tournée vers l’avenir. D’ailleurs je n’ai pas de copies et égare souvent mes propres textes. Je suis heureuse de les redécouvrir quand ils ont été publiés. Dans le cinéma, mes prestations sont encore très modestes, même si mon rôle dans Level Five de Chris Marker a été très salué par la critique et m’a ouvert les portes … du dictionnaire du cinéma. (rires)
Pour le théâtre, je retiens surtout mes dernières créations : l’adaptation et la mise en scène de « Splendides exilées », une pièce d’Arezki Metref dont j’interprétais le premier rôle en compagnie de Myriam Mézières, Alexandra Steward et Noëlle Châtelet. Cette pièce avait d’ailleurs été présentée aussi en Algérie au festival Raconte-Arts et sélectionnée au festival international de théâtre de Bejaïa. Par la suite, j’ai écrit et mis en scène deux autres pièces : « Heureux comme un roi » avec Denis Lavant présentée au Théâtre de la Halle aux cuirs à Paris-la Villette, et « Escalade nocturne » au théâtre 104, à Paris également.
Ces deux pièces font partie d’une trilogie sur l’émigration. Le troisième volet « Macadam » est en cours d’écriture. Ces pièces ont été mises en scène au moment du Covid, ce qui a malheureusement stoppé les tournées prévues. Je garde un beau souvenir également de l’adaptation au théâtre du «Dépays» de Chris Marker avec Etienne Sandrin, présentée à Avignon et à Paris, au Collège des Bernardins. Cette pièce fera d’ailleurs bientôt l’objet d’une reprise à Paris et d’une tournée au Japon.
Le Matin d’Algérie : Vous avez beaucoup écrit dans la presse, dans des revues, des magazines. Vous avez cofondé le périodique Le Marco Polo magazine, fondé la maison d’édition Karedas dont vous êtes la directrice artistique, créé le grand concours International de haïku Marco-Polo, vous avez fondé également l’association culturelle Belleville Galaxie. Vous êtes une artiste infatigable, avez-vous des projets en cours ?
Catherine Belkhodja : J’ai toujours plusieurs projets en cours. Certains sont plus longs à mettre en place mais je n’y renonce pas pour autant. Ma prochaine pièce de théâtre «Macadam» bouclera ma trilogie sur l’émigration mais nécessite des partenariats avec des coproducteurs. Elle sera plus longue à mettre en place que les deux précédentes, qui nécessitaient peu de moyens. Une autre pièce, surréaliste, écrite par Jayne Mansour sera présentée à la Maison André Breton (La rose impossible) pour l’anniversaire du Surréalisme.
En cours de finalisation, un projet avec Philippe Bouret, poète, auteur et psychanalyste qui m’a présenté des photos d’installation d’objets quotidiens, que j’accompagne de haikus. Les premiers haishas ont fait l’objet d’une publication chez MARSA. J’ai également un recueil de nouvelles en gestation pour l’automne sans doute. Certaines parues dans les revues ou maisons d’édition comme Brèves, Marsa, Liroli, TK21, Le Lithaire ou la Belle inutile.
Le Matin d’Algérie : Votre double culture Française algérienne, a-t-elle été d’un grand apport ou un frein dans votre carrière d’actrice réalisatrice ?
Catherine Belkhodja : En termes de culture, c’est une vraie richesse. Pour l’action sur le terrain, cela peut être un handicap. Trop française en Algérie, trop algérienne en France. Le nom de mon père, que j’ai voulu conserver en refusant de prendre un pseudo, a plutôt été un frein : Le fameux plafond de verre, inutile de faire un dessin.
La culture de mon père, je la découvre davantage maintenant car durant mon enfance, il était très occupé et à l’adolescence, j’étais pensionnaire. J’ai appris l’arabe à l’école car maman ne le parlait pas. J’ai pu passer mon bac algérien mais avais malgré tout beaucoup de lacunes en arabe. Néanmoins, j’ai pu jouer deux fois en arabe lors d’un tournage à Venise et un autre à Berlin. Mon agent de l’époque m’avait classée dans les « actrices étrangères » et ne m’envoyait pas sur les castings en français. Inversement, après le conservatoire, on ne me proposait plus de rôle en arabe. En matière de réalisation, c’est épuisant de travailler sans le soutien d’une production.
En Algérie, la coproduction de la télévision algérienne s’est avérée fictive. Le seul soutien dont j’avais pu disposer était un car de l’office du tourisme pour mon équipe. Je leur en suis très reconnaissante. Les autres soutiens promis n’ont jamais été effectifs.
Seule la télévision française avait respecté les contrats (FR3, ARTE et Canal +). J’avais ensuite fondé une maison de production mais la gestion s’est avérée chronophage. Je me suis tournée alors vers des projets plus rapides à mettre en place. J’ai un scénario de long métrage qui me tient à cœur mais ne m’y consacrerai que lorsque je pourrai m’appuyer sur une maison de production solide. C’est trop compliqué de devoir tout gérer en même temps. Il vaut mieux former une belle équipe, fiable, pour de tels projets.
Je me suis lancée souvent dans des projets sans moyens. Maintenant je préfère prendre le temps de bâtir un vrai partenariat, pour ce projet plus ambitieux. En attendant, les idées ne manquent pas !
Entretien réalisé par Brahim Saci
lundi 13 novembre 2023
Le Matin d’Algérie.
Lematindalgerie.com
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Rencontre avec l’écrivain Jean-Claude Michot
Jean-Claude Michot est un écrivain romancier très prolifique, il a publié plus de quinze romans et la plupart des histoires de ses romans se déroulent à Lyon, cette ville où il a exercé le métier de chauffeur de taxis pendant vingt ans, après avoir côtoyé tant de gens, il est à même de mieux comprendre l’âme humaine dans sa part mystérieuse et sa complexité.
L’écriture dont le style et la force n’ont pas cessé de s’élever pour donner le meilleur dans l’ombre et la lumière, comme ferait un peintre jouant avec les couleurs, mais Jean-Claude Michot jouant avec les mots. Cette écriture qui n’a pas cessé de s’affiner, elle s’est imposée pour le plus grand bonheur des lecteurs. Les romans de Jean-Claude Michot captivent, désorientent, entre suspense et intrigues, le tout si bien tissé pour nous tenir en haleine.
Le Matin d’Algérie : Benoît Cohen pour écrire son roman Yellow cab, Taxis jaune, a décidé de devenir chauffeur de taxi pendant plusieurs mois à Manhattan comme son héroïne, afin de mieux restituer la réalité dans la fiction, mais vous, vous avez été chauffeur de taxi pendant 20 ans, vous avez écouté des milliers de gens, l’écriture coule chez vous comme un fleuve, comment est née cette soif d’écrire ?
Jean-Claude Michot : Paradoxalement, ce n’est pas mon ancien métier qui m’a donné l’envie d’écrire, mais c’est un cri du cœur. Mon père ayant été abandonné par sa mère, institutrice, qui n’a pas voulu l’élever car il n’était pas désiré, en a beaucoup souffert. J’ai voulu décrire la vie de ma grand-mère, sans pour autant la dénigrer et par ce livre : « 1927. Marthe, institutrice et fille mère », j’ai rendu hommage à mon père et tenté de raconter ce qu’a pu vivre ma grand-mère.
Après ce livre, j’ai désiré transmettre mon ressenti sur mon voyage par la route de Lyon jusqu’en Inde en 1978. Puis, mon troisième livre fut : « Jean le taxi », fruit de mon expérience, mais aussi fiction mâtinée d’intrigues.
Ensuite, je n’ai eu de cesse de continuer cette aventure littéraire et le besoin d’écrire est devenu de plus en plus impérieux, au fil des ans,
Le Matin d’Algérie : Maintenant les romans se succèdent, auriez-vous écrit si vous aviez fait un autre métier ?
Jean-Claude Michot : Il faut savoir que je n’écris que depuis l’âge de 60 ans ; il est vrai que durant ces longues années de taxi, j’ai eu le temps, en étant en attente de clients, de lire pas mal de livres, ce qui m’a sans doute aidé à écrire.
Le Matin d’Algérie : comment vous vient l’inspiration ?
Jean-Claude Michot : Bonne question ! Le plus dur est de trouver un sujet. Ensuite l’inspiration me vient tout en écrivant, assez naturellement, je dois dire. Peut-être suis-je inspiré par tout un fatras de réminiscences des nombreux films que j’ai visionnés. Mais, cela est une spéculation. En revanche, il m’est arrivé de rester bloqué plusieurs jours, en attente d’une idée pour pouvoir poursuivre mon roman.
L’habitude aussi m’aide énormément et écrire est devenu un peu comme un réflexe.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les auteurs qui vous inspirent ?Jean-Claude Michot : Il n’y en a pas beaucoup. Je dirais : Emile Zola, Hermann Hesse dont j’ai lu presque tous les livres et David Goodis, un des maîtres américains du roman noir.
Le Matin d’Algérie : Votre écriture n’a pas cessé de s’affiner, qu’en pensez-vous ?
Jean-Claude Michot : Vous avez raison. N’ayant pas fait d’études supérieures en lettres, ayant toutefois une base de quatre années de latin, il m’a été assez difficile d’avoir un bon style dès le début de cette aventure. Je dois dire que je suis assez méticuleux et rigoriste et j’essaie de ne pas m’endormir sous mes lauriers. Je ne fais quasiment jamais relire mes livres pour l’orthographe, deux ou trois fois, j’ai fait appel à une collègue pour vérifier la logique de l’histoire et la syntaxe.
Maintenant, je pense qu’avec la force de l’habitude et la rigueur que je m’impose, il est normal que mon écriture se soit affinée. Je suis peut-être comme le bon vin, je m’améliore en vieillissant !!
Le Matin d’Algérie : La littérature peut-elle aider à changer notre vision du monde ?
Jean-Claude Michot : Absolument ! Mais il dépend des auteurs que l’on lit. « Germinal » d’Emile Zola que j’ai lu étant tout jeune m’a effectivement chamboulé et, par la suite, j’ai continué à découvrir des livres abordant le sujet qui me tenait à cœur. Oui, les livres nous aident à acquérir une vision élargie des phénomènes du monde. Après c’est aussi une question de sensibilité. Tout le monde ne ressent pas le même livre d’une façon identique. Problèmes de vibrations, certainement. Mais le terreau est important.
Entretien réalisé par Brahim Saci
jeudi 2 octobre 2023
Le Matin d’Algérie
Lematindalgerie.com
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Le discret poète Abdelouahab Mouheb n’est plus
Abdelouahab Mouheb ce poète de génie discret qui a écrit pour Slimane Azem et Idir s’est éteint le 24 octobre 2023 à l’âge de 75 ans, chez lui à Villejuif (région parisienne), vers 20h d’un arrêt cardiaque dans son sommeil.
Abdelouhab Mouheb est originaire du village Tifrit Naït Oumalek dans la commune d’Idjeur en Kabylie, au pied de l’Akfadou, dans la mémoire collective des villageois Abdelouahab Mouheb est presque un mythe, une légende, il est l’héritier des poètes antiques, le poète, le fabuliste, il est celui qui a écrit pour l’immense Slimane Azem. C’est dire l’immensité également de ce poète.
À Paris, Abdelouhab était aussi Aby pour les uns ou Albert pour d’autres. Il était un poète hors du commun qui avait une maîtrise parfaite de la langue kabyle, son amour pour la poésie et les contes anciens était immense. Il maniait aussi la langue française à la perfection, féru de littérature, de poésie, il pouvait aisément passer du kabyle au français, ses traductions poétiques et ses poèmes en kabyle sont d’une dimension esthétique élevée.
Il avait accepté il y a quelque temps de répondre à mes questions mais nous n’avons jamais réussi à nous revoir. A chaque fois il y avait un fâcheux contretemps. Cet entretien ne se fera jamais, il avait pourtant tant de choses à raconter sur sa rencontre avec Slimane Azem, sur sa collaboration avec Idir et sur son parcours artistique personnel.
En 1974, grâce à un ami bijoutier Salah Cheref, issu du même village, qui avait une bijouterie avec sa femme française à Belleville, il rencontre Slimane Azem à Paris, dans son café situé Boulevard de la Chapelle, une collaboration s’ensuit avec Slimane Azem qui était émerveillé par ce jeune poète.
Abdelouhab Mouheb remet à Slimane Azem cinq poèmes qu’il chantera. Slimane Azem lui donne cinq cents francs, ce qui était une belle somme pour l’époque avec la promesse de le déclarer à la SACEM, ce qui ne se fera malheureusement jamais malgré l’insistance d’Abdelouhab. Une semaine après cet échange Abdelouhab revient au café voir Slimane Azem, celui-ci lui dit que la chanson, Muḥ yetabaɛ Muḥ, est sous presse, Abdelouhab s’enquiert de la promesse de le déclarer à la SACEM, Slimane Azem lui promet une nouvelle fois qu’ils iraient ensemble, ce qui n’arrivera jamais, même après l’entremise du frère d’Abdelhouhab qui écrit à Slimane Azem à Moissac, l’intervention est restée lettre morte.
Abdelouhab n’a plus jamais, à notre connaissance cherché après Slimane Azem. Nous aurions aimé que cette collaboration perdure vue la beauté de ces poèmes avec la composition et l’interprétation de génie de Slimane Azem.
– Awin i k-id yeran a Simoh Oumhend
– Yusa-yid lefker– Muḥ yetabaɛ Muḥ
– Le poème l’hirondelle, l’adaptation en français de la chanson, Ay afrux ifilelles
– Tamɣeṛt d umcic
En 1981 Abdelouhab Mouheb est à radio berbère. Il participe à des émissions poétiques, où il a côtoyé Abdallah Mohia, c’est la rencontre de deux poètes, avec qui il a gardé une grande amitié, ils avaient une admiration réciproque.
Abdelouhab Mouheb a côtoyé Idir pendant de longues années, ils ont été très proches, il était le parolier de sept chansons de l’album, Le petit village, Taɣribt-iw, avec la chorale Tiddukla de l’ACB de Paris (l’association de culture berbère), en 1985.
– Taddart-iw (Le Petit Village)
– Aman yeddren (L’Eau vive)
– Aԑeqqa n yired (Le Grain de blé)
– Amɣar (Le Vieux)
– Taɣribt-iw (Sources)
– Itran, tiziri (Au clair de la lune)
– Tiziri yulin (Les Trois Petites Fées)
Des années plus tard, il écrit les paroles de la chanson, Ageggig, de l’album, les chasseurs de lumières, « Iseggaden n tafat », le titre de l’album est tiré du poème, Ageggig.
La collaboration avec Idir s’est hélas terminée après cet album. Abdelouhab Mouheb considérait qu’Idir ne reconnaissait pas sa vraie valeur, il ne l’a jamais cité ni en public ni dans les médias.
Tel est le destin du poète de génie resté dans l’ombre malgré sa collaboration avec les plus grands, Abdelouhab Mouheb s’en est allé comme il a vécu en toute discrétion, sans prévenir. Il m’avait confié son désir de publier un livre, hélas il est parti avant sa réalisation, que sa belle âme repose en paix.
Je vous laisse apprécier la beauté de cette chanson chantée par Idir, écrite par Abdelouhab Mouheb.
Brahim Saci
jeudi 26 octobre 2023
Le Matin d’Algérie
Lematindalgerie.com
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Mack Nat-Frawsen : « Quand l’inspiration est là, il faut la saisir pour écrire »

Mack Nat-Frawsen est universitaire, consultant en informatique de gestion, c’est un poète écrivain prolifique. Il n’est pas seulement poète mais il est aussi romancier. C’est un intellectuel d’une discrétion rare, qui a fait le choix d’écrire sous le pseudonyme de Mack Nat-Frawsen.
Publier des recueils de poésies et des romans peut paraître paradoxal mais dans le cas de Mack Nat-Frawsen il n’en est rien, car les deux découlent d’une même source poétique créatrice et passer du recueil au roman, loin d’être un dépaysement, est un enrichissement littéraire élevé.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un auteur prolifique, qui est Mack Nat-Frawsen ?
Mack Nat-Frawsen : Quand l’inspiration est là, il faut la saisir pour écrire et peindre des mots sur cette page blanche à portée de main.
Je suis natif de la région des At Frawsen, plus précisément de Mekla. Cette belle région montagneuse, au pied du Djurdjura petite sœur du Kilimandjaro.
En septembre 1993, j’ai quitté la Kabylie pour poursuivre mes études universitaires en France. Après un DEUG A (sciences et structure de la matière), j’ai fait un cursus de deuxième cycle d’ingénieur en génie des systèmes industriels. A la sortie de la fac, j’ai intégré le domaine de l’informatique de gestion où j’exerce en tant que consultant et chef de projets. Un métier qui m’a permis de découvrir la France entière.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un poète, écrivain discret, vous écrivez sous le pseudonyme de Mack Nat-Frawsen, ceci ne risque-t-il pas de desservir votre popularité ?
Mack Nat-Frawsen : Sourire… À dire vrai, je n’aime pas trop que l’on me dise que c’est un pseudonyme, car il n’en est pas du tout. Je l’ai choisi pour rendre hommage à ma région natale. Si une quelconque lumière devait briller sur ma personne, alors je préfère la partager avec cette belle région qui m’a vu naître.
Le Matin d’Algérie : Votre écriture est d’une dextérité poétique rare, comment réussissez-vous cet exploit ?
Mack Nat-Frawsen : Pour être franc, je l’ignore complètement. Pour moi, ce n’est pas un exploit. Je ne fais que lier les mots et accorder les temps. Mais la lecture aide sans doute, car elle est cet océan qui nous inonde de voyages et de rêves.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un auteur singulier, vous passez aisément de la poésie au roman, quels sont les écrivains et les poètes qui vous parlent ?
Mack Nat-Frawsen : Le roman, pour moi, n’est qu’une autre face de la poésie avec un autre orchestre polyphonique. Passer de la poésie au roman serait cet entracte qui permet de passer de la face A à la face B d’une mélodie permettant de peindre des tableaux avec des mots arborant les couleurs de nos états d’âme du moment.
Quant aux écrivains et poètes qui me parlent, ils sont nombreux, mais je citerai feu Christian Bobin qui m’a beaucoup marqué par la force magique et graphique de son verbe, Mouloud Feraoun qui m’a permis de prononcer mes premiers mots dans la langue de Molière, Mohammed Dib, Tahar Djaout, Rachid Mimouni, Ernest Hemingway, Jean Sénac, Jack London, Fernando Pessoa, Pablo Neruda. La liste est longue, mais je n’oublierai pas de citer certains de mes amis écrivains et poètes comme Farid Abache, Youssef Zirem, Améziane Aizaf, Azeddine Lateb et notre serviteur Brahim Saci.
Le Matin d’Algérie : Vous avez beaucoup publié, qu’est-ce qui vous inspire ?
Mack Nat-Frawsen : J’ai publié, à ce jour, dix recueils de poésie et deux romans. Tout peut m’inspirer, mais cela dépend du moment et du lieu. La lecture d’une phrase, dans un roman par exemple, peut faire l’objet d’un flash qui va m’inspirer quelques vers d’un poème. Un voyageur (homme ou femme) sur un quai de gare peut m’inspirer un paragraphe ou quelques pages d’un roman. J’écris souvent pendant mes voyages en train ou en avion.
Le Matin d’Algérie : Que pensez-vous de la littérature algérienne actuelle ?
Mack Nat-Frawsen : La littérature algérienne a connu une belle évolution ces vingt dernières années. J’ai rencontré beaucoup de jeunes écrivains et poètes, dans les différents salons du livre organisés en Kabylie, ainsi que via les réseaux sociaux. À chaque fois que je me rends en Algérie, je reviens avec presque une dizaine de nouveaux livres écrits par cette jeunesse qui n’a pas à rougir devant toutes littératures du monde. Nos jeunes continuent de maintenir cette belle flamme de création littéraire, léguée par nos anciens auteurs et anges tutélaires tels que Mouloud Feraoun, Mouloud Mammeri, Mohammed Dib, Kateb Yacine, Tahar Djaout, Assia Djebar et tant bien d’autres.
Interview réalisée par Brahim Saci
Ouvrages édités sur Amazon :
Romans
Le voyage avec Élise
Lettres aux absences
Recueils de poésie
Le bleu du littoral
Le vers de la mélodie
La rivière espérance
Les beaux rêves demain
Vers au vent
Agris n unebdu – Les flocons de l’été
Le souffle du zéphyr
Mots éparpillés
Eclats de vers poétiques
Le quai aux fleurs câlines.
Interview réalisée par Brahim Saci
Samedi 7 octobre 2023
Lematindalgerie.com
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Rachid Boutoudj : « Rien ne peut désancrer la littérature algérienne d’expression française »

Rachid Boutoudj est titulaire d’un doctorat en électronique à l’Université des Sciences et technologies de Lille, il vient par bonheur de publier chez, Le lys bleu, un beau recueil de poésie intitulé « La grisaille et l’azur » avec une préface de José Alfredo Vasquez Rodriguez.
« La grisaille et l’azur » est un titre qui interpelle en laissant entrevoir le beau voyage poétique entre l’ombre et la lumière, le tout écrit dans une langue française, ciselée, épurée, page après page jaillissent des élans poétiques insoupçonnés émerveillant le cœur et les yeux. Rencontre.
Le Matin d’Algérie : Vous venez de publier un beau livre de poésie, « La grisaille et l’azur », pouvez-vous nous parler de la genèse de ce livre ?
Rachid Boutoudj : Je savais que je devais écrire depuis le premier jour où j’ai foulé le sol de la France avec ma fraiche majorité en bandoulière.
En arrivant en France, j’ai élu domicile dans un foyer d’immigrés, ouvriers de nuit dans les filatures de l’Armentiérois, dans le nord.
Après l’ébranlement émotionnel lié à ces diverses fulgurances de la modernité qui émerveillent un montagnard qui venait de quitter la quiétude séculaire de son hameau, j’ai fait face pour la première fois de ma vie aux affres du déracinement et aux langueurs extrêmes de la nostalgie. J’ai aussi observé ces braves hommes asservis par la furie des manufactures. C’est dans ce contexte que j’ai alors commencé à griffonner des petits textes dans un petit calepin tout en lisant abondamment.
Après mes études universitaires, lors d’un séjour pour raison professionnelle dans l’est de la France, une région où l’hiver est bien plus rude qu’ailleurs, étreint par une profonde mélancolie, j’ai écrit le premier poème qui augure ce recueil et ce dernier m’a été inspiré par l’âpreté de la destinée de ma mère. Ensuite la muse a eu la lumineuse idée de venir me caresser joyeusement de ses petites ailes frissonnantes pour m’insuffler l’ensemble de ce livre.
Le Matin d’Algérie : Un mot sur José Alfredo Vasquez Rodriguez qui a préfacé votre livre, parlez-nous de cette rencontre ?
Rachid Boutoudj : Alfredo est un ami précieux. Nous nous sommes rencontrés sur un terrain de football. C’est un Espagnol originaire de l’Andalousie. Il est professeur dans le nord de la France. L’histoire et la littérature dans sa globalité sont des domaines qui le passionnent. Il a été mon premier lecteur. Au gré de nos rencontres il n’a jamais cessé de m’encourager à faire connaître du grand public mes poèmes. C’est ainsi qu’un jour j’ai suivi ses conseils. Pour lui témoigner ma gratitude j’ai spontanément songé à lui pour écrire la préface de ce recueil, mission qu’il a naturellement acceptée tout en disant que désormais notre amitié connaitra une certaine postérité. Je souhaite à chacun d’avoir un ami aussi loyal aussi bienveillant qu’Alfredo.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes installé dans le nord de la France depuis de longues années, peut-on dire que le nord vous a adopté ?
Rachid Boutoudj : Je suis arrivé dans le nord en 1991 et j’y vis toujours. L’hospitalité du nord n’est pas une légende. Des artistes, des chanteurs, des écrivains et simplement des anonymes ont fait l’éloge du nord. Les habitants de cette région sont d’une profonde générosité. Il y a certaines valeurs qui se transmettent de génération en génération et dans le nord celles-ci s’inscrivent naturellement dans un serment intangible. L’histoire de cette région a gravi dans le marbre la grandeur de l’âme et l’humanisme.
Le Matin d’Algérie : Vous êtes un scientifique, pourtant la littérature vous passionne, quels sont les auteurs qui vous ont influencé ?
Rachid Boutoudj : J’ai eu un parcours scientifique dans le domaine des électrons, des ondes et de la matière mais la littérature a toujours occupé une place privilégiée dans ma vie. Toute lecture qu’on a savourée ou qui nous a ému déteint sur notre vie d’une façon ou d’une autre. Comme bon nombre de mes semblables j’ai été saisi par la portée des écrits de Mouloud Mammeri, Mouloud Feraoun, Kateb Yacine et Rachid Mimouni. Les mots de ces écrivains phares résonnent encore dans ma tête.
En dehors de la littérature algérienne, les écrivains que j’affectionne sont fort nombreux mais s’il faut n’en citer que quelques uns je dirais : Albert Camus, Emile Zola, Victor Hugo, Fiodor Dostoïevski, Jean Giono, Franz Kafka, Marcel Proust, Fernando Pessoa…et j’ajouterai Marcel Pagnol dont la gaieté inextinguible me rappelle invariablement un pan de mon enfance.
Le Matin d’Algérie : Quel regard portez-vous sur la littérature algérienne d’aujourd’hui ?
Rachid Boutoudj : La littérature algérienne d’aujourd’hui est plus vivace et plus vigoureuse qu’on le pense. Le flambeau légué par les devanciers est toujours vif et ardent. J’ose croire qu’il le demeurera encore car on constate l’émergence d’un vivier d’écrivain très talentueux de surcroît. Il suffit de constater que les salons du livre fleurissent un peu partout en Algérie notamment en Kabylie.
Cet été lors d’un passage à Tigzirt je me suis engouffré dans une librairie du centre ville. Si le lieu regorgeait de classiques de la littérature algérienne ou occidentale, il m’était donné à découvrir des écrivains locaux dont la plume est à la fois belle et pertinente. J’ai quitté le lieu en emportant les livres de Yelis N-Tarihant, Leila Bennini, Rachid Hammoudi, Lounes Ghezali et Ali Mouzaoui. Je n’ai pas été déçu par la lecture de leurs ouvrages respectifs.
Pour conclure je dois dire que rien ne peut désancrer la création littéraire algérienne, d’expression française, du fertile limon d’où elle puise sa sève. Il y a eu de prodigieuses productions littéraires par le passé, il y en a de sublimes aujourd’hui et il y en aura de remarquables demain.
Interview réalisée par Brahim Saci
mercredi 4 octobre 2023
Lematindalgerie.com
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Kacem Madani : « Dans ma jeunesse j’avais cru en l’Algérie »

samedi 30 septembre 2023
Avant de prendre sa retraite, Kacem Madani, de son vrai nom Belkacem Meziane, était professeur des universités en physique. Il a enseigné à l’Université des sciences et technologies d’Alger et en France, à l’École nationale supérieure des sciences appliquées et de technologies (ENSSAT), Lannion, dans les Côtes d’Armor, ainsi qu’à l’Université d’Artois, Lens, dans le Nord-Pas-de-Calais.
Depuis une quinzaine d’années, il écrit des chroniques dans le journal en ligne Le Matin d’Algérie. Des analyses ciselées, de haute volée. Toujours sous le pseudonyme Kacem Madani, il a publié quelques ouvrages dans lesquels il fait part de sa grande indignation face aux tribulations politiques de nos décideurs. Il a généreusement accepté de répondre à nos questions.
Le Matin d’Algérie : vous avez un parcours atypique ! Qui est Kacem Madani ?
Kacem Madani : C’est toujours difficile de parler de soi, surtout quand votre vie s’étale sur des décennies et que vous bénéficiez d’une retraite quasi-dorée alors que de nombreux concitoyens pâtissent d’une justice aux ordres au pays et que d’autres croupissent encore dans les geôles pour un oui ou pour un non qui déplaisent aux maîtres du moment.
Mon parcours n’est pas si atypique que cela. Il ressemble à celui de nombreux Kabyles qui ont eu la chance d’avoir fait des études supérieures et d’avoir vécu à Alger, du temps où notre capitale brillait de mille et une splendeurs, de mille et un espoirs. Ces temps n’ont malheureusement engendré que désillusions ! Dans ma jeunesse j’avais cru en l’Algérie. À tel point qu’au contraire de nombreux camarades, après des études aux USA, je suis rentré au pays, décidé à tous les sacrifices pour un avenir meilleur. Malheureusement, les combines en haut lieu ont réussi à nous décourager.
Au lendemain de la légalisation du FIS par nos décideurs, l’idée de prendre la poudre d’escampette commençait à germer dans ma tête. Se sacrifier pour le meilleur, oui ! mais participer à la construction du pire, non ! J’ai donc quitté le pays au début des années 1990 pour construire une nouvelle carrière en France. Une carrière qui, après des années de travail acharné, m’a mené jusqu’à une titularisation en tant que professeur des universités en optique et physique des lasers.
Le Matin d’Algérie : vous vous appelez Belkacem Meziane, pourquoi avoir choisi d’écrire sous le pseudonyme de Kacem Madani ?
Kacem Madani : C’est simple, ce pseudo, qui a fini par me coller à la peau, je l’ai choisi et adopté pour séparer mes interventions en tant que chroniqueur sur Le Matin d’Algérie de ma profession de physicien. D’ailleurs, je suis venu au monde de la chronique grâce à Mohamed Benchicou. Quand Aâmmi Moh avait lancé la version en ligne de son journal, j’intervenais en tant que commentateur lambda. Parfois, quand mes exposés se faisaient consistants, Mohamed les insérait dans ses colonnes. C’est donc par le plus heureux des hasards que je suis venu à l’écriture. Je ne serai jamais assez reconnaissant à Aâmmi Moh et Hamid Arab pour m’avoir laissé une certaine liberté de ton dans mes nombreux coups de gueule.
Le Matin d’Algérie : quel regard portez-vous sur l’Algérie d’aujourd’hui ?
Kacem Madani : J’aurais bien voulu être optimiste, mais comment l’être quand on voit toute cette médiocrité chronique qui sévit de la base au sommet de la pyramide du pouvoir ? Pour ne rien vous cacher, je regrette l’ère Bouteflika. Malgré quelques dérives, le petit vieux avait beau s’accrocher au koursi, il avait laissé un tant soit peu de lest à la liberté d’expression.
Ce qui m’horripile le plus, c’est le massacre de l’éducation. L’arabisation bornée et irréfléchie a coulé notre système éducatif. Non satisfaits de ce carnage pédagogique, voilà que nos autocrates veulent introduire l’anglais dès l’école primaire ! ? En tant qu’anglophone, je devrais applaudir telle initiative, mais soyons sérieux, où est le personnel enseignant capable de remplacer le français par l’anglais ? On reprend les mêmes stratagèmes de poudre aux yeux et on refait délibérément les mêmes erreurs, au vu et au su de tous ceux qui sont tourmentés par l’avenir de ce pays et qu’on a laissés sur la touche pour les raisons que l’on connaît.
Tout le reste est à l’image de cet exemple. De la poudre aux yeux dans tous les domaines et à tous les niveaux. En fait, le pouvoir a, de tous temps, voulu nous faire croire qu’il possédait toutes sortes de baguettes magiques pour redresser la barre d’un navire à la dérive depuis des décennies. Tant que le pétrole coule à flots, ils ne lâcheront pas le morceau. Et rien ne dit qu’ils le lâcheront une fois les sources taries. Pour subsister, ils sont capables d’imposer une taxe sur l’oxygène que le peuple respire (clin d’œil à notre ami Youssef Zirem).
Le Matin d’Algérie : dans un monde déchiré où les valeurs s’effondrent, que peut apporter l’écrivain ?
Kacem Madani : L’écrivain est un lanceur d’alerte. Malheureusement, sa portée est limitée. Ne serait-ce que du fait que les nouvelles générations ne lisent plus, et que le langage sms tend à supplanter toutes les langues vivantes de la planète. Cet effondrement des valeurs est d’ailleurs intimement lié à ces joujoux de technologies qui envahissent le quotidien de tous les humains sur Terre. Quand je pense qu’on commence à peine à interdire les téléphones portables dans les classes, il y a de quoi se poser des questions par rapport à la vitesse de réaction des responsables concernés et des pédagogues affirmés. Je crois pouvoir dire que je suis l’un des premiers à avoir alerté sur les dangers de ces nouvelles technologies bien avant le smartphone ! Mais que peut bien changer une alerte noyée dans un océan de suivisme des plus ahurissants ?
Interview réalisée par Brahim Saci
Références :
Belkacem Meziane, « From nonlinear dynamics to trigonometry’s magic », Cambridge scholars, 2022.
Kacem Madani, « Autopsie d’une Algérie jamais en paix », eds Constellations, 2023.
Kacem Madani, « Mémoire(s) en dents de scie », eds Maïa, 2022.
Kacem Madani, « Aït Menguellet, chants d’honneur », eds Hedna, 2021.
Kacem Madani, « Indignation(s) chronique(s) », eds Vérone, 2017.
samedi 30 septembre 2023
Lematindalgerie.com
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Rencontre avec la psychanalyste Sandra Cardot

Sandra Cardot est psychanalyste, thérapeute, art-thérapeute, à Bourg-en-Bresse. Elle a publié, « Ferme tes yeux Jessica », « Empathie et Compassion », « En pleine conscience », ses livres sont une plongée dans l’univers du psychisme humain, pour le comprendre et le guérir. Dans un monde où le mal-être devient un mal grandissant, la psychologie et la psychanalyse apportent des réponses. Sandra Cardot a généreusement accepté de répondre à nos questions.
Le Matin d’Algérie : Qui est Sandra Cardot ?
Sandra Cardot : Je suis psychanalyste, autrice et artiste.
Le Matin d’Algérie : Comment êtes-vous venue à l’écriture et à la publication ?
Sandra Cardot : Mon parcours est totalement atypique puisque j’ai d’abord fait les beaux-arts de Grenoble avec un passage d’une année au fine-art de Sheffield pour ensuite embrayer en psycho au Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris ; achever une psychanalyse qui aura duré 10 ans et obtenir un diplôme d’art-thérapeute à l’hôpital psychiatrique de Sainte-Anne Paris.
C’est en 2012, après le décès de mon père que tout a commencé dans l’écriture. Je rêvais la nuit et il fallait que j’écrive le jour ! Mon premier livre Ferme tes yeux Jessica, est un roman Fantasy pour pré-adolescents qui traite de la mort, de la thérapie et du phénomène de télékinésie. C’est après la parution de ce livre que je me suis faite remarquer auprès d’Yves Michalon (feu mon éditeur) qui m’a proposé d’écrire mes expériences en développement personnel.
À la suite est paru, En pleine conscience itinéraire lucide vers le bonheur spirituel, et Empathie et Compassion comment développer nos super-pouvoirs.
Le Matin d’Algérie : André Malraux a dit « Le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas. » qu’en pensez-vous ?
Sandra Cardot : Les paroles de Malraux à ce sujet résonnent comme un espoir prophétique et visionnaire basé sur la certitude qu’il y aura toujours une part de spiritualité dans un siècle.
Personnellement, je pense que l’humanité manque encore beaucoup de pure spiritualité, la spiritualité ne se constitue pas de religions, de sectes et de pensées égoïstes écrites par l’humain. La spiritualité est conscience et énergie cosmique, c’est pour moi de la pure spiritualité.
Nous ne sommes pas encore à cette ère où l’être humain fait confiance indubitablement à sa conscience et à son pouvoir de rétablir de l’harmonie.
Le Matin d’Algérie : En vous lisant on sent notamment l’influence de Carl Gustav Jung, cette grande figure de la psychologie, pouvez-vous nous en parlez ?
Sandra Cardot : Jung était un psychanalyste de génie ! J’ai une profonde admiration pour son parcours qui a été à la fois rigoureux quand il travaillait avec Freud et novateur presque rebelle lorsqu’il instaura la spiritualité dans psychanalyse.
L’installation des synchronicités dans les thérapies ont été salvatrices pour un nombre incalculable de personnes en difficulté psychique.
Jung a su montrer au monde entier, avec la participation de scientifiques en mécanique quantique dont le physicien Wolfgang Pauli, que la psychologie analytique ou dite complexe ne se résume pas qu’à une topique, ou une exploration des rêves. Elle est étroitement liée aux énergies cosmiques et l’histoire personnelle du patient.
Le Matin d’Algérie : Dans un monde plus que jamais tourmenté, en perpétuelle mutation, la psychologie est-elle salvatrice ?
Sandra Cardot : La réponse est un grand OUI ! La psychologie est une recherche intelligente, fondamentale, sans aucune critique de soi-même. Sans elle nous manquons de confiance en soi et de développement personnel. Nous ruminons le passé et laissons la porte ouverte aux pensées négatives. La psychologie requiert d’être sincère et véritable. Elle demande beaucoup de courage mais in-fine elle nous apporte la résilience, cette force mentale pour affronter l’adversité.
Entretien réalisé par Brahim Saci
lundi 18 septembre 2023
Lematindalgerie.com
Sandra Cardot – Psychanalyste et thérapeute à Bourg-en-Bresse
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Rencontre avec Frédéric Lemaître, rédacteur en chef du magazine Persona

©Renaud Monfourny
Le magazine Persona, (de l’autre côté du miroir, les artistes dévoilent leur face cachée) ce sont des rencontres, des entretiens avec des artistes de tous horizons, cette revue est une bouffée d’oxygène dans le monde littéraire et artistique. Frédéric Lemaître le rédacteur en chef de Persona, a généreusement accepté de répondre à nos questions.
Le Matin d’Algérie : J’aimerais que vous me parliez de la genèse de Persona, ce magazine, comment est née cette belle idée ?
Frédéric Lemaître : Après avoir travaillé pendant 25 ans pour des magazines musicaux en faisant des chroniques de disque et déjà quelques interviews d’artistes, j’ai voulu voler de mes propres ailes et proposer non seulement de parler de musique, mais aussi de tout ce qui m’intéresse en art : littérature, photographie, arts graphiques, peinture, philosophie… Étant graphiste, Ma compagne, Isabelle Dalle, m’a alors proposé de m’accompagner dans cette belle aventure. Si ce que l’on voit de la revue est remarquable, c’est bien grâce à elle.
Le Matin d’Algérie : Il faut de la passion pour créer une revue, en quoi votre magazine diffère des autres ?
Frédéric Lemaître : Il faut non seulement beaucoup de passion, mais aussi beaucoup de détermination. La mienne était de créer une revue intemporelle, que l’on puisse y revenir sans cesse et avoir plaisir à la garder dans sa bibliothèque. C’est pourquoi nous avons voulu un tirage sur un beau papier, avec une couverture épaisse et imprimée en « soft touch » qui donne dès le toucher, une grande douceur à l’ensemble. Je dirais également que la revue diffère des autres dans le sens où elle aime aller voir ce qui se cache derrière le miroir, derrière l’âme de l’artiste et ainsi proposer des entretiens libres et profonds. Pour cela nous avons choisi de prendre le temps de ce partage et c’est pourquoi c’est une revue trimestrielle.
Le Matin d’Algérie : Persona, ne contient pas de publicités, est-ce pour préserver votre indépendance ?
Frédéric Lemaître : Dès le départ je souhaitais ne pas avoir de pages publicitaires côtoyant la parole des artistes ou leur travail, pour éviter de polluer, à la fois nos yeux, et notre pensée. En préservant ainsi notre indépendance nous restons maître de tout ce que nous voulons publier, sans n’avoir de comptes à rendre à personne, sinon à PERSONA !
Le Matin d’Algérie : Votre magazine Persona est ouvert sur le monde des arts avec une dextérité rare, comment réussissez-vous cet exploit ?
Frédéric Lemaître : Nous savons tous que l’art se nourrit de l’amour de l’art et que je suis probablement gourmand de tout ce que je vois depuis l’enfance. Il n’y a donc pas d’exploit, mais juste un rendu de cet amour passionné pour tout ce qui nous fait vibrer.
Le Matin d’Algérie : Pensez-vous que Persona a atteint ses objectifs ?
Frédéric Lemaître : Si l’objectif de PERSONA était d’avoir un joli succès d’estime auprès de ses lecteurs mais aussi auprès des artistes publiés, alors c’est réussi. Mais si l’objectif est d’atteindre le plus grand nombre de personnes et de réaliser de belles et nobles ventes en adéquation avec l’énergie que nous y mettons, alors on en est loin car la revue reste tout de même assez confidentielle. La distribution n’est pas chose aisée.
Le Matin d’Algérie : Quel regard portez-vous sur l’univers de la publication et de la distribution en général ?
Frédéric Lemaître : Il y a évidemment probablement trop de publications, il suffit juste de regarder chaque rentrée littéraire et ses centaines de livres pour comprendre qu’il n’y a pas de place pour tout le monde dans les médias. D’ailleurs, bien malheureusement, les médias ne parlent toujours que de la même poignée d’auteurs, années après années, c’en est abjecte et injuste. Une revue comme PERSONA tente bien évidemment de mettre en lumière des visages inconnus, des plumes rares, mais nous sommes maintenant tellement sollicités, qu’il est évidemment impossible de parler de tout le monde.
La distribution est un vrai métier et c’est probablement de ce côté-ci que nous avons besoin d’une grande aide. On sait aussi que beaucoup de magazines mentent sur les chiffres des ventes et que la plupart des tirages présentés en kiosques finissent à la poubelle. Hélas !
Le Matin d’Algérie : Quel conseil pouvez-vous donner à de jeunes créateurs qui veulent se lancer dans l’édition ?
Frédéric Lemaître : Je ne peux répondre que bien modestement à cette question. Il faut avant tout de la passion, écouter son cœur, se lancer un défi, et pour le reste espérer que notre petite étoile illumine un coin du ciel de cette vaste voie lactée qu’est le monde de l’édition.
Entretien réalisé par Brahim Saci
mardi 12 septembre 2023
Lematindalgerie.com
Magazine Persona : www.personaedition.com
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Yasmine Madaoui parle de son recueil de poésie « Stylo et Pinceau »
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Yasmine Madaoui vient de nous offrir un bouquet de fleurs en publiant un beau recueil de poésie illustré par de magnifiques aquarelles de Hassiba Mokraoui. En parcourant les pages de ce lumineux recueil, nous sommes saisis et envahis par la profusion de couleurs dans un élan poétique sans cesse renouvelé qui n’échappe ni au regard ni au cœur dans un jaillissement d’émotions considérable.
Yasmine Madaoui a accepté de répondre à nos questions avec la grande générosité qui la caractérise.
Le Matin d’Algérie : Yasmine Madaoui, vous êtes médecin et vous venez de publier un recueil de poésie « Stylo et Pinceau », pouvez-vous nous parler de cette relation entre la poésie et la médecine ?
Yasmine Madaoui : Je vous retournerais bien la question en vous demandant si vous pourriez faire une quelconque action sans que votre esprit ne se soit chargé auparavant de l’anticiper : le corps d’une personne et son esprit ne font qu’un.
Georges Canguilhem écrivait que « l’acte médicochirurgical n’est pas qu’un acte scientifique, car l’homme malade n’est pas seulement un problème physiologique à résoudre, il est surtout une détresse à secourir ».
Il me semble qu’on pourrait retrouver la création artistique (langage, peinture, sculpture) au croisement du somatique et du psychique.
Je vais aller plus loin dans ma réflexion en me permettant d’établir un lien entre la psychothérapie et la poésie. Le corps se fait soigner par un médecin, l’esprit se fait soigner par un psychiatre et, entre les deux, le poète trouverait sa place.
Dans son livre « Le Délire et les rêves dans la Gradiva de Jensen, Paris, Gallimard, 1986 », Freud rend hommage aux poètes : « Ils sont de précieux alliés et il faut placer bien haut leur témoignage ».
Je vous confie qu’à la fin de mes études médicales à la faculté de médecine d’Alger en 85, il était question que je passe le concours pour pouvoir me classer et effectuer mon résidanat, je vous donne dans le mile, en psychiatrie !
J’avais effectué mon internat à L’hôpital psychiatrique Frantz-Fanon de Blida, j’ai été impressionnée et tout de suite séduite par l’approche non médicamenteuse (l’ergothérapie, la musicothérapie et le sport) qu’a introduite le Dr Frantz Fanon dès son arrivée en 1953.
Hélas, j’ai préféré rentrer chez moi, mon éloignement du cocon familial était trop lourd à gérer et quelques années en plus à passer au loin me semblaient impossibles.
Pour en revenir au lien entre la médecine et la poésie on pourrait voir la chose sous deux angles :
Le poète serait un « malade » qui aurait la conscience de soi de la poésie et qui considèrerait sa poésie comme sa « thérapeutique », avec un bénéfice psychique personnel qu’il retire de l’écriture de son poème.
Ou encore, la poésie serait une « thérapeutique » pour le poète mais pour le lecteur aussi. Les mots, écrit Freud en 1890, « sont l’outil essentiel du traitement psychique ». Le poète, par ses mots, peut soigner les âmes tourmentées comme par magie. Et oui, de la magie avec des mots qui sont souvent déliés de la phrase, qui ont une sensibilité particulière et qui fond références bien souvent à des maux.
Le poète possèderait l’art de combiner les mots, les sonorités, les rythmes pour évoquer des images, suggérer des sensations, des émotions pour se soigner et soigner les autres.
Le Matin d’Algérie : Vos poèmes sont illustrés par des belles aquarelles, c’est une belle rencontre, le stylo et le pinceau forment une sorte de symbiose, comment avez-vous réussi cet exploit ?
Yasmine Madaoui : Le stylo murmure des mots, la harpe murmure des mélodies, deux mondes qui se rejoignent dans « une ivresse poétique ». Imaginez l’œuvre poétique de Omar Khayyâm dans les « Rubaiyat» ou encore « Les Paradis artificiels » de Baudelaire, récités avec le murmure d’une harpe en musique de fond, c’est sublime. Le poète devient chanteur !
Le stylo dessine des mots, le pinceau dessine des apparences, deux univers artistiques qui se rencontrent. Imaginez qu’un poème, avec un contour graphique sur une page, forme un dessin qui illustre les vers ou encore qu’une belle aquarelle s’offre au regard d’un poète, c’est magnifique : Le poète devient peintre !
Une aquarelle est un feu d’artifice poétique,
Et les émotions, sur nos lèvres, un cantique.
Les pinceaux, les stylos, en nous, s’emmêlent
En un recueil aux couleurs de l’arc-en-ciel.
Le Matin d’Algérie : Vos origines algériennes kabyles, votre double culture, nourrissent-elles cette maturité poétique ?
Yasmine Madaoui : Il est vrai que ma double origine, berbère et française, m’a fait côtoyer deux mondes différents et vivre dans chacun d’entre eux comme s’il était le seul mais m’a aussi doté de deux sensibilités différentes qu’il a fallu mixer quelque fois l’une au détriment de l’autre.
La culture et les traditions berbères et celles françaises sont loin d’avoir des passerelles qui les lient entre elles même si une histoire commune est née du fait de la colonisation. Quelque fois, je me dis que je suis le fruit de cette histoire commune avec tout ce qu’elle charrie avec elle de bon et de mauvais.
Apprendre à composer avec les deux en même temps a créé des déchirures et des plaies que j’ai recousues en enlaçant le fil de la chemise de la combative Jeanne d’Arc la pucelle et celui de Taqendurt de la reine guerrière Dihya.
Je tiens à préciser que je suis loin d’avoir atteint une maturité poétique. Je ne fais qu’apprendre à taquiner les mots :
Ma pensée dessine les contours de la feuille,
Laissant la rosée perlée y griffonner mes confessions,
Pour finalement ne plus prêter à mon recueil,
Que des vestiges de notes condamnées à la disparition.
La nymphe se révélera, alors, dans ma romance en deuil.
Le Matin d’Algérie : Est-ce que le regard du médecin a une influence sur le regard de poète ?
Yasmine Madaoui : Sûrement. La poétesse en moi, si je puis me permettre de me donner cette qualité et le médecin que je suis devenue de par mes études, ne font qu’une et même personne : Moi, avec ma sensibilité et mon amour pour les autres, ma colère quelque fois et mon soucis d’égalité avec la gente masculine.
Je ne me qualifierais pas de féministe mais de femme libre et déterminée à conserver mon indépendance. D’autant, que pour le médecin que je suis, la fameuse différence vient tout simplement du chromosome Y. Les hommes présentent un chromosome Y et un chromosome X, alors que les femmes ont deux chromosomes X. Cela change-t-il grand-chose ? Juste à donner à chaque sexe des forces qui lui sont propres pour vivre et en aucun cas donner des limites.
Le médecin connait le corps de la femme qui se trouve être aussi le mien et ne comprend pas cet irrésistible souhait de nos sociétés patriarcales et traditionnelles de le soumettre.
Je suppose que cela fait de moi une poétesse engagée dans le combat des femmes d’autant plus que la plupart des traditions religieuses sont castratrices pour les femmes. Elles se servent des différences physiques pour imposer leur hégémonie sur la gente féminine. Elles évoquent la responsabilité d’Eve et le péché originel, la ruse et la “tromperie féminine”, l’impureté de son corps capable de mettre au monde les enfants y compris de l’autre sexe.
La poésie est le vecteur qui s’est imposé à moi pour véhiculer ce sentiment d’injustice profonde.
Le vent ligote les épis de ses cheveux,
Comme des lianes pour museler
Sur sa bouche, le cri de sa rage étouffée.
Pour gronder, il lui reste, ses grands yeux,
Deux émeraudes, brillants des plus précieux.
Le Matin d’Algérie : Quels sont les poètes qui vous influencent ?
Yasmine Madaoui : Cette question me met mal à l’aise car, quand les mots se bousculent, ce sont plutôt les événements, la vie de personnes, ma propre vie, les histoires de la mythologie et les contes d’enfant qui m’inspirent.
Mais je veux vous parler d’un petit recueil de poésie qui m’accompagne depuis 1980, date à laquelle je l’ai acheté à la foire d’Alger alors qu’il venait juste d’être édité à la SNED.
J’aime ce livre. Il a vieilli à mes côtés. Ses pages se sont jaunies sous la patine de l’âge, 43 ans ! J’ai personnalisé chaque poème par des croquis esquissés qui reflètent mon ressenti à leur lecture.
Je veux nommer « Cristal du rêve » de Rachid Zerrouki, Né en 1948, décédé en 2002, a fait ses études supérieurs à la faculté de médecine d’Alger.
« Je découvre Dieu en rompant la tige d’une fleur.
Je le perds en cherchant une demeure. »
Comme pour mon petit recueil, Les émotions qui s’en exhalent sont labiles. Elles apparaissent et puis s’en vont comme un cadeau éphémère qui laisse un goût d’inachevé. Il ne reste plus qu’à le relire de nouveau et comme un arbre non greffé, la saveur de son fruit sera à chaque fois renouvelée.
Le Matin d’Algérie : Peut-on dire qu’écrire est une sorte de délivrance pour vous ?
Yasmine Madaoui : Délivrance ? Un bien grand mot qui me fait rebondir à votre question première. La poésie serait donc une « thérapeutique » pour le poète. D’après Freud, les mots seraient l’outil essentiel du traitement psychique. Et donc, par des mots magiques le poète soignerait son âme tourmentée ?
Rachid Zerrouki répondrait: « Poète, nourri d’amertume autant que d’orgueil, j’ai pourtant suivi mon dur chemin jusqu’aux bords privés de mots !… »
Moi, je vous réponds :
«Au gré du lys d’étang, mes vers flottent en procession ;
Les jardins d’eau, lui prêtent sa fleur solitaire
Pour écrire en strophes ma virginale passion,
Et mon amour que les palabres des grenouilles grégaires
Finissent par noyer dans le reflux de mes obsessions. »

Entretien réalisé par Brahim Saci
samedi 9 septembre 2023
Lematindalgerie.com
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Le journaliste Belkacem Messaoudi s’est éteint à Alger

Le journaliste Belkacem Messaoudi, dit Da Belkacem, s’est éteint, le 12 août 2023 à Alger, à l’hôpital Mustapha Bacha, à l’âge de 81 ans. Paix à son âme.
Grand poète, auteur-compositeur inscrit à l’ONDA depuis 1976, auteur de plusieurs textes chantés par des chanteurs connus tels que Boualem Chaker, Mouloud Habib, et d’autres. Journaliste, animateur, producteur d’émissions culturelles de génie à la radio chaîne kabyle depuis 1963.
Belkacem Messaoudi est l’un des premiers journalistes de la radio chaîne kabyle, juste après l’indépendance, il fait un bref passage à la télévision, il fut l’un des premiers présentateurs du journal télévisé de l’Algérie indépendante mais c’est la radio qu’il préfère.
Il a été journaliste-producteur-animateur d’émissions radiophoniques jusqu’à sa retraite, nul n’oublie sa célèbre émission « Nouba g iɣṛiben » en collaboration avec Abdelkader Abdeladim, qui avait un succès considérable. Elle reste gravée dans la mémoire de cette époque et au-delà.
« Papa c’est la chaîne 2, il était plus présent à la chaîne 2 qu’avec nous, il a sacrifié sa vie pour la chaîne 2 et tamazight », témoigne son fils à Berbère télévision.
La Radio kabyle fut créée en 1948 par la France coloniale. Elle garda son nom jusqu’en 1975, puis elle devient la chaîne 2 diffusant ses programmes en cinq langues amazighes, principalement en kabyle, mais aussi en chenoui, chaoui, mozabite et targui.
Orphelin de père et de mère, Belkacem Messaoudi rejoint Alger à la fin des années 1950 vers l’âge de 15 ans où il poursuit des études secondaires puis entre à l’Ecole des beaux-arts.
C’est en fréquentant l’émission des amateurs de Cheikh Noureddine que s’ouvre pour lui les portes de la Radio pour un avenir radiophonique radieux d’une richesse culturelle immense, pour la belle carrière que nous lui connaissons.
Belkacem Messaoudi se retrouve aux côtés des grands noms de la radio, Si L’hocine Ouarab, normalien et compagnon d’études de Mouloud Feraoun, Si Mohamed Lamrani, proviseur de lycée, Larbi Bessai rédacteur en chef, Abdelkader Abdeladim, Ahmed Mahiou ancien professeur de maths, ne pas confondre avec l’ancien doyen de la Faculté de droit d’Alger, Boukhalfa Bacha, voir son livre « Cfawat n radio n teqbaylit ou l’apport immense de la chaîne 2 », préfacé par Saïd Sadi, édité en 2019 chez les Editions Frantz-Fanon.
Belkacem Messaoudi rejoint ainsi ceux qui ont marqué la chaîne radio kabyle, de Si Said Rezzoug à Abdelouahab Abdjaoui (Rachid Baouche), Said et Mohamed Hilmi, Ali Abdoun, Amar Ouyacoub, Amar Ouhada, Mohand Rachid, (Si Mohand Mohand Al Rachid), Meziane Rachid (Yala M’hamed), Arezki Nabti, Cheikh Noureddine (Noureddine Meziane), Kadri Seghir, Djamila Bachène , Amari Maamar, Lla Cherifa, Kamal Hamadi (Larbi Zeggane), Farhat Omalou, H’nifa, Bahia Farah, Louisa, Djamila, Hami Chérif, Mme Lafarge, Zoheir Abdellatif, Madjid Bali, Abderrahmane Hacène L’Hadj et sa sœur Djamila, l’épouse du réalisateur Abderahmane Bouguermouh, Ourida Sider, El Djida Thamchtouhth, Anissa Mezaguer , Lla Yamina avec comme seul instrument le ‘’tbell » (bendir), Si Ahmed Aïmène, les Toualbi (Mohand Ameziane, Mohand Chérif, Zoubir, Si Smaïl), Cheikh Ali Chentir, Madjid Benacer, Zahia Kharfallah, Ben Mohamed (Mohamed Benhamadouche), Hamid Medjahed, Mohamed Guerfi, Belaid At Mejqan, Boudjema Rabah, Makhlouf Gouatsou, Mohamed Ben Hanafi (Mohamed Aït Tahar), Cherif Nadir, M’henni Amroun …
Puis intervient une brève interruption radiophonique pour des raisons que nous ignorons, de 1965 à 1966, Belkacem Messaoudi est responsable de l’agence A.N.E.P d’Oran, mais en 1967, il revient à la radio chaîne kabyle, après un bref passage à la chaîne 3.
Il a produit une pléthore d’émissions, dont, La voix du disque en 1968. Chanteurs amateurs en 1969, Touksa lxiq en1988, Nouba g iɣṛiben, avec Abdelkader Abdeladim dans les années 80, Club de la presse en 1990, Chronique du jour de 1998 à 2004, s’en suivent des émissions sportives.
En commentant des matchs de football, son expression fétiche est «yekker uɣebbaṛ deg waluḍ », une expression qui marqua les esprits.
L’écrivain poète journaliste Youcef Zirem se souvient de son ami, « Il adorait Hocine Ait-Ahmed, paix à son âme. Lorsque le général Zeroual était à la tête de l’Etat, il me demandait souvent de venir dans son émission ; je lui expliquais alors que je ne suis pas d’accord avec les choix du régime, cela pouvait lui causer des soucis. Et un jour, j’ai accepté son invitation. Nous avons fait une émission mémorable : de nombreux journalistes, de tous horizons, venaient nous écouter, en nous regardant, sur place, c’était un direct. Mais, le lendemain, son émission ne pouvait plus se faire en direct. Décision venue d’en haut… »
Il fut un homme généreux, un homme de convictions, un érudit défenseur de la langue tamazight, de la langue kabyle.
Belkacem Messaoudi fut le premier à inviter Mouloud Mammeri en 1972 et Matoub Lounès en 1977.
Bien que retraité, il fut rappelé récemment par la radio Chaîne 2 pour animer une chronique culturelle, sa chronique Awal était diffusée chaque matin à 09h50 du dimanche au mercredi. Il devait commencer une nouvelle émission culturelle, Nouba isefra, en septembre prochain, malheureusement le destin en a décidé autrement, sa disparition va nous laisser un grand vide.
L’inhumation a lieu le dimanche 13 août dans son village Tassaft Ouguemoun.
Brahim Saci
PS : Je remercie Hamid Ait Said, poète homme de radio et de télévision, Hanafi Moualfi homme de radio, Belaid At Mejqan (Belaid Tagrawla) chanteur animateur à la chaîne 2 et à berbère télévision, Makhlouf Gouatsou animateur à la chaine 2 et le chanteur Hocine Ouahioune pour leur aide précieuse.
Le Matin d’Algérie
samedi 12 août 2023
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Marzouk Lattari, un chanteur musicien chaâbi virtuose

Dès son plus jeune son âge, Marzouk Lattari fut animé d’une grande passion pour la musique. Compositeur, musicien de génie, il a enregistré trois albums qu’on peut écouter sur Youtube.
Marzouk Lattari est natif du village Taourirt Moussa Ouamar, des Ath Douala, qui compte beaucoup d’artistes et de grands poètes dont le plus célèbre d’entre eux est le regretté Matoub Lounès. On peut citer aussi, Tiloua (Lounès Ladjadj) qui fait monter sur scène le jeune Matoub Lounès à l’âge de 16 ans en 1972, Matoub Moh Smaïl qui a chanté avec El Hasnaoui et Dahmane El Harrachi, Matoub Achour, Laichour Mokrane (Mokrane Lhadj Amar) que Matoub Lounès invitait régulièrement sur scène, Matoub Moussa, Matoub Hamid, Mehari Mustapha (Mustapha Ath Ouali), Loukan Ferhat (Ferhat Ait Aissi), Mohand Ou Bouzid, Messous Mohand Ouyidir (Mohand Ouyidir ath Amara), Krazem Mohand Ouamar (Mohand Ouamar Takrarth).
Marzouk Lattari est un artiste discret, comme le sont les plus grands. Il ne cherche pas la gloire il travaille pour l’art, d’ailleurs il joue pratiquement de tous les instruments, même si son instrument de prédilection, dont la difficulté pour la maîtrise n’est pas des moindres est le banjo, cet instrument majestueux est dérivé du luth Ouest-africain joué par les esclaves africains déportés aux Etats-Unis au dix-septième siècle, qu’on retrouve surtout dans le jazz et la country.
Le banjo fut introduit dans les années 40 dans le chaâbi par Hadj M’hamed El Anka qui est considéré comme le créateur du chaâbi actuel qui dérive du medh et de la musique arabo-berbéro-andalouse.
Hadj M’hamed El Anka a apporté sa propre touche au chaâbi en introduisant plusieurs instruments, le banjo, la mandole et le piano. On peut citer des grands noms dans la maîtrise du banjo, Cheikh Namous, Kaddour Cherchali, Dahmane Elharrachi, Hamid Lakrib, Mahboub Bati, Said Hennad, Ptit Moh, Mouloud Nait Ali, Marzouk Lattari.
En écoutant Marzouk Lattari, on est envahi par l’émotion qui s’en dégage, les chansons, la composition, l’orchestration témoignent d’une grande maîtrise à la fois rythmique et harmonique, nous sommes saisis par ce travail d’orfèvre et on sent tout de suite l’influence des grands maîtres du chaâbi.
Marzouk Lattari joue donc du banjo, de la mandole, du piano, du violon, de la flûte. Il a appris à écrire la musique grâce à un livre de solfège que son grand-père a ramené de Paris. En côtoyant les plus grands, il a considérablement perfectionné son jeu. Il a appris les modes au côté de Si Said Hennad, bras droit au banjo auquel il voue une très grande reconnaissance.
Marzouk Lattari a joué comme bras droit au banjo avec Cheikh Mehdi Tamache, élève de Hadj M’hamed El Anka, Kamel Messaoudi, au côté de son talentueux guitariste Mohamed El Amraoui, Matoub Lounès, Cherif Hamani son cousin, Kheloui Lounès, Moh Bouhanik, et d’autres. Il a côtoyé Moh Smail, Hacène Ahres, Moh Hessas, Lani Rabah, et d’autres…
En 1987, il fait une tournée avec Cherif Hamani comme bras droit au banjo. En 1988, il est le bras droit au banjo de Matoub Lounès au côté de Hamid Lakrib, ce dernier a marqué son époque, il s’est distingué par son jeu remarquable du banjo.
Hamid Lakrib était un musicien virtuose du banjo, dont la vie fut brève. Il décède en 1999 dans la solitude à 38 ans, il est originaire de Tala-Khelil, Ath Douala. Il accompagna de grands chanteurs, Akli Yahiatene, Amar Ezzahi, Kamel Bourdib, Mehdi Tamache, Youcef Abdjaou.
Marzouk Lattari fut le bras droit au banjo de Lounès Matoub de 1988 à 1992. Ce chanteur musicien de talent continue son chemin en créant, en composant. Il a toujours la soif d’apprendre, les projets foisonnent dans sa tête.
Marzouk Lattari est un artiste à découvrir ou à redécouvrir pour le plaisir de l’oreille, du cœur et de l’esprit.
Brahim Saci
PS :Je remercie Amar Laoudi pour son aide.
Le Matin d’Algérie
Mercredi 9 août 2023
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Le chanteur Mouloud, un talent parti trop tôt

lundi 5 juin 2023
Une pensée pour le chanteur Mouloud, (de son vrai nom Ahmed Ghezraoui).
Mouloud est originaire de Tizi-Ouzou, un grand artiste, universitaire, auteur compositeur, un fabuleux guitariste. Il a chanté le rock, le jazz, la country, la new wave, pop/rock, le reggae, le chaabi mais aussi le kabyle.
Il sort un 45 tour chez Déesse en 1979 en deuxième année de sociologie à l’université Paris 8. Il a fait beaucoup de concerts à travers toute la France et en Algérie, mais au niveau discographie c’est le parcours du combattant pour faire un album.
En 1987 il sort un album, « Retour aux sources sans frontières », qui lui a coûté en énergie et en sueurs, dont les chansons, Retour aux sources sans frontières – Rock Beur – Rain and tears – Yasmina…
De 1987 à 1992 ses chansons passent souvent à Radio Beur, surtout la célèbre chanson Yasmina. À partir de 1992 ses chansons restent régulièrement diffusées jusqu’à fin 90 à Beur FM.
Mouloud était un universitaire doué, un artiste, chanteur compositeur musicien brillant qui mérite qu’on se souvienne de lui.
J’ai eu la chance de le rencontrer début des années 90, je garde le souvenir d’un homme humble et discret, d’un artiste au grand talent, qui chantait aussi bien le rock, la new wave, pop/rock, la country, le jazz, le Reggae, que le kabyle.
En 1996, il a entrepris un travail colossal, l’enregistrement de reprises de 43 chansons algériennes kabyles et arabes ayant marqué plusieurs décennies, cette même année l’universitaire et poète Moh Cherbi l’invite dans son émission culturelle « Culturum » à laquelle je collaborais comme chroniqueur, c’est un souvenir mémorable. Les échanges avec Mouloud étaient de haute volée, un artiste éclectique d’un niveau musical épatant.
Triste destin pour ce passionné des arts, du chant et de la musique dans sa diversité, Mouloud s’est éteint bien trop tôt, le 23 décembre 2006, tragiquement des suites d’un arrêt cardiaque à l’aube de sa cinquantième année à Aubervilliers. Que sa belle âme repose en paix.
Le Matin d’Algérie
lundi 5 juin 2023
Accueil
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Le café littéraire de L’Impondérable de Youcef Zirem revient

jeudi 16 mars 2023.
Le café littéraire de L’Impondérable de l’écrivain Youcef Zirem revient après une brève interruption qui nous a parue interminable tant ce rendez-vous littéraire parisien était devenu incontournable.
Cette rencontre a lieu tous les dimanches à 18h au café restaurant L’Impondérable situé au 320 rue des Pyrénées dans le vingtième arrondissement de Paris, dans un beau quartier populaire, depuis le 17 septembre 2017.
Les nouveaux patrons du lieu Mourad et Sofiane ont continué cette belle aventure littéraire en assurant le plus chaleureux des accueils.
Un café littéraire à portée de tous, l’entrée est libre et les débats se déroulent dans le respect des différences, un exemple pour le vivre ensemble.
La convivialité et l’amitié se côtoient avec bonheur dans ce lieu grâce à la générosité de Mourad et Sofiane et au génie de l’écrivain Youcef Zirem qui anime et assure la programmation chaque semaine depuis maintenant de longues années.
Le café littéraire de l’Impondérable de Youcef Zirem est devenu un rendez-vous parisien quasi mythique, il est le seul café littéraire hebdomadaire parisien.
Beaucoup ont essayé de créer des rencontres hebdomadaires mais en vain tant il est difficile d’assurer une programmation chaque semaine, mais Youcef Zirem réussit cet exploit, écrivain prolifique populaire aimé de tous, les auteurs se bousculent pour être invités.
Beaucoup d’écrivains, plusieurs poètes, plusieurs artistes sont passés dans ce café littéraire.
Vanessa Kientz, Akli Drouaz, Claire Barré, Djoudi Attoumi, Anne-Véronique Herter, Djamal Arezki, Youcef Allioui, Ferhat Mehenni, Nacer Ait-Ouali, Mourad Bakir, Hamid Salmi, Farid Benmokhtar, Mohamed Aouine, Mennad Bounadi, Alexandra Pasquer, Brahim Hadj Slimane, Makhlouf Bouaich, Mohamed Hassani, Mohand Nait Abdellah, Messaoud Gadi, Amuqran At Yettura, Djaffar Benmesbah, Uli Rohde, Aqcic At Uqasi, Nadia Agsous, Tayeb Abdelli, Mouloud Behiche, Sonia Fatima Cherfa Turpin, Mahmoud Boudarène, Claude Georges Picard, Mika Kanane, Laurence Biava, Gérard Lambert, Ahmed Medjeber, Mohamed Ghafir dit Moh Clichy, Hamid Ait Said, Sandra Cardot, Yves Michalon, Bahia Amellal, Ghanima Amour, Azeddine Lateb, Ali Ait Djoudi, Hakime Allouche, Pierre Vavasseur, Brahim Saci, Mathilde Panot, Farida Aït Ferroukh, Hacène Hirèche, Mouanis Bekari, Kacem Madani, Lynda Chouiten, Loïc Barrière, Aumer U lamara,Tarik Mira, Ahmed Bouhlal, Sadia Tabti, Ben Mohamed, Horia Bouayad, Farid Alilat, Ahmed Ait Bachir, Akila Kizzi, Luis Dapelo, Salah Oudahar, Farid Galaxie, Hamid Challal, Ali Guenoun, Aziz Tari, Kamel Mezani, Fazia Kati, Mohand Dahmous, Madjid Hallou, Moussa lebkiri, Youcef Medkour, Madjid Benchikh, Hamza Amarouche, Sanhadja Akrouf, Jamil Rahmani, Hassane Hacini, Nafa Moualek, Arezki Metref et Mokrane Gacem, Laakri Cherifi, Sofiane Nait Mouloud, Dominique Martre, A. Wamara, Louisa B, Yasmina Hamlat, Henri Touitou, Amar Yaici, Madjid Boumekla, Malik Kazeoui, Mehdi Bsikri, Madjid Soula, Alain Mahé, Yelas, Yamina Haifi, Abdelkarim Tazaroute, Akila Lazri, Said Kaced, Kada Sabri, Rabha Aissou, Stephan Ghreener, Ahviv Mekdam, Edouard Moradpour, Hocine Redjala, Abderrazak Larbi Chérif, Lili Oz Amelie Dalmazzo, Mohand Tilmatine, Fatima Kerrouche, Akram Belkaïd, Mohand Kacioui, Nora At Brahim, Rezki Rabia, Azar N-Ath Quodia, Azeddine Idjeri, Mahmoud Boudarene, Nacer Ait Ouali, Hassani Mhamed, Muhand Nait Abdellah, Azal Belkadi, Tayeb Abdelli, Madjid Boutemeur, Masin Ferkal, Ahmed Medjebeur.
Ce sont des rencontres qui transforment, cultivent et rendent meilleur, il y règne à chaque fois une atmosphère quasi fraternelle.
Chacun peut sans tabou échanger avec l’auteur dans le respect mutuel. La qualité des échanges émerveille toujours, et l’on voudrait que cela dure et se prolonge même tard dans la nuit.
Après le débat, place à la séance dédicace, puis les discussions se poursuivent autour d’un verre ou d’un couscous.
Nous sortons de là le cœur et l’esprit remplis de lumière et nous pensons déjà au dimanche suivant, hâte d’y être.
Brahim Saci
Le Matin d’Algérie
jeudi 16 mars 2023.
Accueil
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Lâaldja, un vibrant hommage à une mère lumineuse

L’écrivain poète journaliste Youcef Zirem nous revient, après « Chaque jour est un morceau d’éternité » chez Douro, « Eveiller les consciences » chez Fauves, en publiant « Lâaldja, notre mère » chez Fauves éditions et nous surprend une nouvelle fois avec bonheur en nous ouvrant les portes de son cœur.
Ce livre est l’un des plus bels hommages, l’un des plus grands messages d’amour de la littérature d’un écrivain à sa mère.
Nombreux sont les écrivains, poètes, qui ont rendu hommage à leur mère, Alexandre Dumas fils, écrit : » Si jeune que l’on soit, le jour où l’on perd sa mère, on devient vieux tout à coup »
Albert Cohen dans « Le livre de ma mère » dédie une des odes les plus merveilleuses, des plus déchirantes à sa mère, « Soyez doux chaque jour avec votre mère. Aimez-la mieux que je n’ai su l’aimer…aucun fils ne sait vraiment que sa mère va mourir ».
Christian Bobin dit dans son livre, La Part manquante, « Les mères se laissent quitter par leurs enfants et l’absence vient, qui les dévore. On dirait une loi, une fatalité… »
C’est la plume tremblante que je tente d’écrire quelques lignes sur ce livre écorché, poignant, chargé d’émotions « Lâaldja, notre mère » de Youcef Zirem, tant cette femme lumineuse ressemble à ma mère disparue.
En 2018 j’étais de passage en Kabylie et je suis allé rendre visite à la famille de Youcef Zirem, accompagné de ses frères Mohand-Chérif, Zakkaria et mon frère si Mokrane, je n’oublierais jamais la générosité de ce regard, la lumière qui jaillissait du visage de cette femme, généreuse, Na Lâaldja, la maman, nous apportant le café et des gâteaux. J’ai passé une belle après-midi mémorable à échanger avec Hadj Ali Zirem le papa, sur l’histoire et la culture, dans cette maison sereine, bénie.
Dès la première page nous sommes saisis pas cette phrase qui donne le ton au livre « À la mémoire de ma mère Lâaldja, partie rejoindre la lumière éternelle, le 21 septembre 2022, à 16h10. À la mémoire de yemma, celle qui m’a tout appris, qui m’a guidé sur les chemins de l’humanisme, pour la remercier encore une fois et pour toujours. », puis c’est une citation de Romain Gary qui ouvre le récit. « Il n’est pas bon d’être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ça vous donne de mauvaises habitudes. On croit que c’est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger du pain froid jusqu’à la fin de ses jours. »
Youcef Zirem perd une maman qu’il n’a pas vue depuis 17 ans, les mots s’effacent lorsqu’il faut décrire ce qui ne peut être décrit, la détresse est incommensurable, devant l’inéluctable, la destinée qui s’abat comme un couperet sur celle qu’on ne reverra jamais.
L’exil est parfois cette prison qui n’a pas de nom, elle vous sépare de tout, elle vous broie, elle vous brûle à petit feu, le sort semble alors jouer resserrant les nœuds, le souffle peine et se raréfie.
Un récit limpide comme sait le faire Youcef Zirem, et nous sommes emportés par l’onde qu’aucun récif ne saurait arrêter, l’auteur essaie de relativiser, bref est notre passage sur terre, s’interroge, mais de tout temps l’homme cherche en vains des réponses sur le mystère de son existence, il faut accepter ce qu’on ne peut changer.
Nous avançons à côté de Youcef Zirem, partageant sa souffrance, ses larmes, son chagrin, une part en lui manque aujourd’hui indéniablement, même si elle a toujours manquée durant ces longues années d’un exil forcé, car Youcef Zirem est profondément humain, il aspire à liberté, à la démocratie pour les siens, à l’égalité, à une justice sociale pour tous, pour un pays qui mérite mieux, sans ces conditions, le retour semble improbable.
Comment supporter la douleur de la séparation, l’absence, de cette maman tant aimée, par ces enfants, sa famille, son village et au-delà ?
L’Akfadou tremble devant cette vie si généreuse qui s’éteint, mais il sait que le souvenir demeure comme une lumière éclairant la mémoire. L’humanisme transmis par cette maman hors du commun qui a vécu dans l’humilité, la compassion, le don de soi, donner sans rien attendre en retour continue de rayonner à travers ses enfants, sa famille, ses proches, pour que nul n’oubli Na Lâaldja, cette femme au regard d’un ange, au grand cœur, souriant à chaque jour naissant quel que soit le temps, soulageant les âmes.
À travers cet émouvant récit, on se rend compte que malgré les douleurs et les larmes, la beauté l’emporte, l’espoir, la lumière nous remplissent le cœur, on en sort que plus fort, plus humain.
Na Lâaldja fait partie de ces âmes « qui sans tambour battant inventent des bonheurs » Que sa belle âme repose en paix.
Brahim Saci
« Lâaldja, notre mère » de Youcef Zirem aux éditions Fauves.
Le Matin d’Algérie
1 mars 2023
LEMATINDALGERIE.COM
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« Slimane Azem, blessures et résiliences », de Hacène Hirèche

L’universitaire, l’intellectuel et militant, Hacène Hirèche, vient de nous surprendre avec bonheur avec une publication, qui est un émerveillement, Slimane Azem, Blessures et résiliences chez les éditions l’Harmattan.
Qui mieux que Hacène Hirèche pour écrire sur le légendaire Slimane Azem, ce poète, chanteur, visionnaire, génial, qui a marqué le vingtième siècle par sa verve poétique et son engagement artistique. Slimane Azem disait haut et fort ce que le peuple pensait tout bas, que ce soit sous le joug du colonialisme français ou sous la dictature de l’Algérie indépendante, luttant toute sa vie pour une Algérie plurielle, démocratique, dans sa dimension amazighe, dans sa diversité culturelle et linguistique. Son engagement lui valut de mourir en exil loin de la terre des ancêtres qu’il aimait tant.
Le livre s’ouvre sur une citation du philosophe français Jacques Derrida, « Ce qu’on ne peut pas dire, il faut surtout pas le taire, mais l’écrire ». Cette citation résonne et donne comme une tonalité au livre.
La préface de l’universitaire Mokrane Gacem, perspicace et incisive, nous plonge dans le génie littéraire de Hacène Hirèche et l’univers captivant, de son livre, Slimane Azem, Blessures et résiliences, et s’offre à l’esprit du lecteur comme une offrande bienfaitrice qui nous transporte dans l’univers créateur de Slimane Azem. Mokrane Gacem nous donne le ton et la cadence de ce livre touchant et poignant.
Dès les premières pages nous sommes transportés vers ce passé qui n’est pas si lointain, da Slimane c’était hier, c’est aujourd’hui, tant il continue de vivre dans nos cœurs, dans le cœur de cette Kabylie tant aimée. Slimane Azem a su transfigurer les affres de l’exil, les injustices subies, pour magnifier un élan poétique jamais égalé.
Des livres écrits sur Slimane Azem celui-ci semble le plus complet, le plus documenté, le plus dense aussi dans son analyse subtile qui élève sa portée, qui rend ce livre, attachant, qui nous émeut et nous transporte à travers la vie à la fois tragique, torturée et fascinante de Slimane Azem.
Un livre extraordinaire et passionnant, qui nous renseigne, nous éclaire, sur les interrogations, incompréhensions, incertitudes, l’arbitraire, l’injustice et la chape de plomb qui frappèrent le poète libre. Hacène Hirèche lève le voile, grâce à une recherche minutieuse sur la vie, l’itinéraire et le parcours du poète légendaire.
La société kabyle a fait sienne le verbe libre, source d’équilibre, d’harmonie avec la terre et le ciel, Slimane Azem en était le porte-parole pendant plus d’un demi-siècle. Si, Si Mohand Ou Mhand marqua la deuxième moitié du 19ème siècle, Slimane Azem marqua lui, la deuxième moitié du 20ème siècle.
Slimane Azem comme Si Mohand Ou Mhand, est entré dans la légende de son vivant, et continue de faire rêver des générations grâce à ses compositions de génie qui demeurent intemporelles. Son œuvre rayonne au-delà des frontières, plus le temps passe plus on redécouvre la portée exceptionnelle de son génie créateur.
Ce livre de Hacène Hirèche sur le légendaire Slimane Azem, finement écrit, émouvant, captivant, est un baume pour le cœur et l’intellect.
Brahim Saci
23/10/2022
LEMATINDALGERIE.COM
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Mouna Aguigui, un philosophe errant
André Dupont dit Mouna Aguigui, qui nous a quittés le 08 mai 1999, à l’âge de 87 ans, fut un philisophe errant que j’ai bien connu à Beaubourg, où je déssinais les touristes comme caricaturiste, portraitiste, dans les années 80.
Comme Jaber El Mahdjoub, il a marqué le quartier Beaubourg par son amour de la liberté. De tels hommes sont rares aujourd’hui où le matérialisme sauvage semble tout acheter, le coeur et l’esprit.
Mouna, homme libre, était là, pour éveiller les consciences. Il y avait toujours du monde autour de lui, des jeunes et moins jeunes, qui l’écoutaient et engageaient la conversation avec lui. À chaque fois je m’arrêtais pour l’écouter comme pour me ressourcer et reprendre des forces, avant de descendre sur le parvis pour dessiner.
Il disait qu’il faut toujours être libre quoi qu’il en coûte.
Un peu plus bas sur le parvis, Banana, un africain, faisait son spectacle, tournant en dérision un batteur chanteur de rock, il tape sur une banane accrochée comme une cymbale , et des couvercles de poubelles en guise de caisses claires, tout en criant, banana !
En haut du parvis, il y avait le théâtre de rue de John Guez au talent exceptionnel, mettant en scène le public, émerveillant des générations de passants. Il tenait une petite baguette qu’il maniait comme un chef d’orchestre pour faire jouer les personnages.
Une époque où la liberté avait encore un sens à Paris.
https://fr.cyclingheroes.com/fr/blog/aguigui-mouna-cycliste-clochard-philosophe


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Jaber El Mahjoub, artiste saltimbanque, philosophe errant


Jaber El Mahjoub, artiste saltimbanque, philosophe errant
L’artiste tunisien, peintre, musicien saltimbanque, auteur compositeur Jaber El Mahjoub s’est éteint à Paris le 21 octobre 2021 à l’âge de 83 ans, paix à son âme.
J’ai eu la chance de le connaître, je garde le souvenir d’un artiste libre, humble et généreux. Je l’ai connu début des années 80 à Beaubourg, il faisait de l’animation en chantant et en jouant du oud tout en tapant des pieds, il y avait chaque fois beaucoup de monde autour de lui. Je dessinais là-bas à l’époque comme caricaturiste portraitiste, chaque après-midi, le chant et le oud de Jaber résonnaient dans tout le quartier Beaubourg, il semait de la joie de vivre. Je restais souvent là, parfois des heures à l’écouter, les gens riaient, il nous rendait heureux.
Un peu plus bas sur le parvis, Banana, un africain, faisait son spectacle, tournant en dérision un batteur chanteur de rock, il tape sur une banane accroché comme une cymbale , et des couvercles de poubelles en guise de caisses claires, tout en criant , banana !
En haut du parvis, il y avait le théâtre de rue de John Guez au talent exceptionnel, mettant en scène le public, émerveillant des générations de passants. Il tenait une petite baguette qu’il maniait comme un chef d’orchestre pour faire jouer les personnages.
À cette époque la liberté avait encore un sens à Paris.
Quelques années avant sa mort, Jaber et moi, prenions souvent un café ensemble chez Said, au café, Aux Marronniers, au 347 rue des Pyrénées. Nous nous croisions aussi chez Azouz le libraire, vendeur de presse au 391 rue des Pyrénées. Jaber a connu à Paris beaucoup d’artistes kabyles, comme Slimane Azem, Oukil Amar et d ‘autres, lui aussi chantait dans sa jeunesse, il avait même enregistré un 45 tour » Ya madame Serbila ». Il aimait évoquer sa mère avec ses tatouages berbères, en disant ma mère était berbère.
Artiste reconnu de son vivant, humble et discret, ses peintures sont célèbres des états-unis à Paris. Trois mois après sa mort la mairie du vingtième arrondissent de Paris, lui rend un vibrant hommage en exposant ses tableaux, de janvier au mois de mai 2022.
Jaber El Mahdjoub a été inhumé M’Saken dans son pays natal, en Tunisie.
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« Éveiller les consciences », la nouvelle publication de Youcef Zirem

« Éveiller les consciences », la nouvelle publication de Youcef Zirem
Après «Chaque jour est un morceau d’éternité», paru aux éditions Douro, Youcef Zirem nous revient comme un enchantement avec un livre passionnant, «Éveiller les consciences», publié chez Fauves éditions.
Le titre interpelle tout esprit cherchant l’éclaircie dans l’obscurité qui tend à s’étendre aujourd’hui comme pour plonger la mémoire dans l’amnésie.
« Éveiller les consciences », arrive donc à point nommé, comme un éveil salvateur pour ne pas sombrer. Dès les premières pages, Youcef Zirem nous rappelle l’éveil pacifique du peuple Algérien, « Lorsque les jeunes et moins jeunes sont sortis dans la rue le 16 février 2019, à Kherrata, en Kabylie maritime, ils ne savaient pas que leur geste amorçait un nouveau cycle de luttes en Algérie, toute lutte sincère génère un éveil. De larges fractions de la population se sont éveillées et réclament désormais leur droit à la dignité, à la liberté, à la justice sociale ».
Ce livre se présente agréablement sous forme d’entretiens avec des écrivains algériens, qui apportent un nouveau souffle comme pour réchauffer et rafraîchir l’univers littéraire parisien. Youcef Zirem a cette originalité, celle de donner la parole à plusieurs écrivains entre 2004 et 2006, où chacun s’exprime et donne sa vision sur la littérature et l’actualité du monde dans lequel il vit.
C’est ainsi que vingt-deux écrivains prennent la parole, dont Mustapha Benfodil, Bachir Mefti, Chawki Amari, Akram Belkaid, Ali Malek, Habiba Djanine, Abdelmadjid Merdaci, Rachid Mokhtari, Slimane Ait Sidhoum, Boualem Sansal…
Nous ne pouvons nous empêcher de penser à l’inventeur des grands entretiens littéraires dans les années 50, aux entretiens radiophoniques de Jean Amrouche qui a réussi à convaincre et à donner la parole à de nombreux penseurs, écrivains, tels que, Gide, Claudel, Mauriac, Giono, Ungaretti, Pierre Emmanuel ou Jouhandeau.
Ce livre à l’écriture agréable est un moment de littérature. Le lecteur ne boudera pas son plaisir en tournant les pages avec lenteur pour faire durer le jaillissement de lumière qui se dégage de chaque entretien. Mais qui mieux qu’un poète peut mener ces entretiens ?
Dans une Algérie qui peine à se démocratiser, qui n’encourage ni la littérature ni les arts, l’écrivain tente tant bien que mal à décrire la réalité saisissante et celle cachée pour forger avec sa sueur un certain chemin du bonheur, qu’il sait fragile, mais ne plie pas, il essaie de dompter les obstacles et surmonter les difficultés.
Tant d’efforts et tant de peines consentis par des générations d’écrivains, pour tenter d’éveiller les consciences, espérer et tracer des perspectives heureuses pour un lendemain meilleur où l’élan démocratique pourra s’imposer comme seule lueur salvatrice.
Youcef Zirem a l’art de mener les débats, il sait trouver la bonne question pour amener l’écrivain à se dévoiler, à se confier, à livrer ses pensées les plus intimes. Boualem Sansal qui a acquis une renommée internationale dit « c’est le drame qui m’a amené à l’écriture », Ali Malek nous confie « écrire pour prolonger une certaine innocence », Bachir Mefti avoue « l’écriture est une question de survie ». Chacun de ces écrivains est allé au fond de lui-même pour répondre au poète journaliste écrivain Youcef Zirem.
Pour l’écrivain enseignant chercheur Abdelmadjid Merdaci, « Sans liberté de penser, il n’y a pas de littérature ». Magistral !
Brahim Saci
Le Matin D’Algérie
https://lematindalgerie.com
01/02/2022
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« Chaque jour est un morceau d’éternité », de Youcef Zirem
16/01/2022

Cette nouvelle publication de Youcef Zirem arrive comme une bouffée d’air dans le paysage littéraire parisien. C’est un Ovni littéraire qui nous réconcilie avec l’écriture sensible et vagabonde qui vient chatouiller notre sensibilité.
L’écrivain Youcef Zirem, après « Libre comme le vent » publié par Fauves éditions et une quatrième édition de « histoire de Kabylie, le point de vue kabyle » publiée par les éditions Yoran Embanner, revient pour le plus grand bonheur des amoureux du livre avec « Chaque jour est un morceau d’éternité, journal parisien 2005-2015 » aux éditions Dourou.
Le livre s’ouvre sur une citation de Christian Bobin, qui donne un ton et un élan qui invite au voyage, à la réflexion, à la méditation. « Il n’y a rien d’autre à apprendre que soi dans la vie. Il n’y a rien d’autre à connaître. On n’apprend pas tout seul, bien sûr. Il faut passer par quelqu’un pour atteindre au plus secret de soi. Par un amour, par une parole, ou un visage ». Par cette élévation spirituelle et philosophique nous plongeons avec bonheur pour découvrir l’univers fabuleux de l’écrivain poète humaniste Youcef Zirem.
L’auteur a ce don et cette magie rare que partagent seulement les plus grands écrivains, comme Faulkner, Camus, Balzac, ou Feraoun, pour décrire l’humain et raconter la vie. Chaque jour est un morceau d’éternité, écrit sous forme de journal qui va de 2005 à 2015, avec des citations et des poèmes, nous transporte et nous émerveille.
Ce journal est une écriture aérée pleine de poésie et de lucidité qui invite le lecteur à suivre l’auteur, à s’interroger, à aimer. Il y a dans ce journal des rencontres, des quêtes, spirituelles, philosophiques. Chaque page apporte sa dimension poétique comme pour nous rappeler la beauté du monde malgré parfois des cieux lourds. « Je retrouve le Paris plein de rêves que la crise sanitaire obscurcit aujourd’hui ». On suit chacun des pas de l’auteur en essayant de ne rien perdre ni du regard ni de la pensée, l’on découvre que le meilleur est toujours possible.
Les pages semblent se tourner toutes seules comme pour ne pas troubler la quiétude qui émane de la narration, un peu plus loin nous sommes accueillis par une citation de Verlaine, « L’Art, mes enfants, c’est être absolument soi-même », pour magnifier l’élan poétique, la sensualité et le mysticisme qui se dégagent de chaque page. On ne peut s’empêcher de penser au Journal de Mouloud Feraoun, par l’humanité et l’émotion qui s’en dégage et le désir d’une liberté exigeante non négociable, comme un sursaut dans la conscience humaine.
La forme du livre est aussi des plus originales, les jours racontés portent un titre qui invite sans attendre à aller plus loin, pour ne perdre aucun pas, aucun regard du poète. Youcef Zirem nous rappelle les origines kabyles d’Alain Bashung, de Marcel Mouloudji, cet habitué de Saint-Germain-des-Prés. On retrouve une citation du poète chinois du huitième siècle, Tou Fou, surnommé le dieu de la poésie, aimé et admiré par Jacques Chirac.
Youcef Zirem nous raconte un concert donné par votre serviteur au conservatoire municipal Camille Saint-Saëns du huitième arrondissement de Paris le 7 juin 2006, il nous décrit l’ambiance chaleureuse de ce moment précieux du partage culturel, de la musique kabyle dans ce haut lieu de l’enseignement musical parisien. Il nous parle aussi du poète chanteur visionnaire Slimane Azem, cet immense artiste épris de liberté qui adorait Paris.
Il évoque aussi maintes fois l’Algérie qui peine à se démocratiser. La liberté et l’amour se côtoient entre illusions et désillusions, mais la poésie en sort toujours salvatrice pour ramener l’équilibre et l’harmonie. Le 16 juin 2015, Youcef Zirem écrit, « réhabiliter l’harmonie du monde, un titre quasi prophétique, qui sonne si juste aujourd’hui ».
Tout au long des pages de ce journal, on a l’impression de marcher à côté de Youcef Zirem dans Paris, on a envie de continuer la route avec lui, on ne veut pas s’arrêter. On veut que le poète continue à nous raconter. L’auteur cite Woody Allen : « Échouer à Paris, c’est mieux que réussir ailleurs ».
Brahim Saci
Chaque jour est un morceau d’éternité, journal 2005-20015 Éditions DOUROU Janvier 2022.
Le Matin d’Algérie
16/01/2022
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Les étoiles se souviennent de tout» est le roman de Youcef Zirem paru aux éditions Fauves. Comment un groupe de résistants kabyles a sauvé des enfants juifs dans Paris sous l’occupation. Ce livre est une merveille de la littérature.
C’est un rafraîchissement poétique du style littéraire pour les passionnés du livre. Une immersion éblouissante dans le Paris et la Kabylie des années 1940.
Ce roman « Les étoiles se souviennent de tout » de Youcef Zirem, est le bienvenu dans le paysage littéraire. L’auteur vient une nouvelle fois nous surprendre pour notre plus grand bonheur avec un enchantement littéraire qui interpelle le cœur et l’esprit.
«Les étoiles se souviennent de tout » est une plongée dans l’histoire, le roman se déroule dans les années 40 entre Paris et la Kabylie. On retrouve des pans de l’histoire souvent méconnus, une histoire humaine poignante. Comme un magicien des mots Youcef Zirem sait si bien jongler entre le roman et l’histoire pour étancher la soif du lecteur. On se prend d’affection pour les personnages, on évolue avec eux dans cette époque trouble écorchée des années 40.

Ce roman raconte une épopée vraie, comment des résistants kabyles aidés par la grande mosquée de Paris et de son recteur le cheikh Si Kaddour Benghabrit ont redoublé d’efforts en dépit de tous les dangers pour sauver des enfants juifs dans Paris sous l’occupation.
Des tracts sont rédigés en langue kabyle pour ne pas éveiller les soupesons des nazis et de la Gestapo appellent les kabyles à aider les enfants juifs pour les sauver de la déportation, d’une mort certaine. Youcef Zirem réussit avec maîtrise et sobriété à nous immerger dans ces années obscures de l’occupation nazie en France. Le style épuré et fluide nous permet de mieux appréhender l’atmosphère étouffante de cette époque blessée.
Ce roman soulève des questions, apporte des réponses et nous aide à comprendre la complexité des situations humaines sous un regard philosophique pour dénouer les nœuds et enlever les brumes qui nous empêchent de voir certaines vérités et rendre hommage à certains engagements fraternels humains. Ce livre de Youcef Zirem nous éclaire et nous rend plus humains.
Samedi 26 septembre 2020
Auteur
Brahim Saci
Le Matin D’Algérie
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Youcef Zirem : « La Cinquième mascarade »

Youcef Zirem vient enrichir la littérature francophone avec son roman, la cinquième mascarade, chez Fauves Éditions. Nous pouvons dire que c’est un livre qui tombe à pic quand on voit le Hirak, la révolution qui se déroule en Algérie qui est porteuse d’espoir.
« La cinquième mascarade » est un roman qui émerveille par sa force et interpelle le cœur et l’esprit par sa lucidité. On retrouve des personnages qui se débattent dans les soucis de la vie de tous les jours, dans une société inégalitaire où même l’amour semble interdit. Un livre poignant, un hymne à la liberté, à l’espoir dans cette époque trouble de toutes les déchirures, où la lumière peine à percer les ténèbres imposées par l’absurde et le non-sens.
Un roman qui dépeint les illusions et les désillusions d’une jeunesse blessée de l’Algérie de l’indépendance à nos jours. Face à l’une des plus féroces dictatures au monde, la résistance est toujours là, l’amour aussi, la soif de liberté hante tous les esprits, ce qui laisse entrevoir un avenir qui peut être meilleur.
La folie et la déraison tentent de faire plier les cœurs et les esprits sans toutefois y parvenir. Le lecteur s’identifie parfois aux personnages et se sent proche de Sabrina, Malika, Khaled, Farid que nous n’avons pas envie de quitter tant nous sommes touchés par leur quête d’idéal et de justice.
L’histoire bien que romanesque paraît si réelle. Au fur et à mesure qu’on avance et qu’on tourne les pages on découvre le soleil sauvegardé au fond des cœurs qui donne l’énergie vitale pour œuvrer dans la bonne direction mais aussi la lutte pour effacer les atmosphères funèbres qui empoisonnent le quotidien.
Un peuple qui semble usé par les années noires d’obscurantisme où l’impensable, la démesure, nourrissent la terreur qui façonne le quotidien d’un pays livré aux hyènes où les valeurs sont déchiquetées. On évolue avec les protagonistes entre espoir et désespoir.
Mais malgré les impasses et les jours sombres, les yeux ne se tournent plus vers la terre à la recherche d’un tombeau, mais vers le ciel pour un renouveau, les corps usés courbés se redressent, comme pour renaître. Sabrina, Malika, Khaled, Farid ont appris par la force des choses à apprivoiser la souffrance et à vivre avec les blessures.
Mais les cicatrices sont là pour nous rappeler afin de chasser l’oubli et l’impunité. Celui qui se souvient par où il est passé saura où il va. Même par temps couvert et les hivers, il faut être lucide à tout prix pour ne pas sombrer. Les loups qui tiennent le pouvoir méprisent le peuple au point de le laisser dans la misère plus bas que terre. À la détresse morale s’ajoute l’injustice sociale qui touche surtout les plus faibles. La dictature a instauré la terreur et l’infamie. Les protagonistes réussissent malgré tout à tenir le cap à l’image d’une jeunesse sacrifiée mais toujours debout.
Youcef Zirem réussit avec art et magie un élan salvateur pour transfigurer les souffrances de tout un pays, dans un style limpide poétique et épuré qui nous rappelle les plus grands écrivains comme William Faulkner, Émile Zola, Mouloud Feraoun ou Albert Camus, où le verbe est porté, élevé, mis à nu pour ne dire que l’essentiel loin du superflus pour ne saisir que le vraisemblable, la vérité. Youcef Zirem malgré un style qui à première vue peut paraître des plus libres par sa fluidité applique au roman une rigueur quasi-scientifique pour peindre comme le peintre une fresque psychologique d’une société malade où les inégalités sociales sont criardes, où les maux sont multiples.
Youcef Zirem sait que le salut n’est pas dans la fuite lâche mais dans la résistance et la lutte pour se libérer des chaînes de la dictature qui érige l’oppression et la barbarie. Il sait que La vie l’emporte toujours et qu’un sursaut philosophique salvateur est toujours possible. L’injustice doit être combattue. Dans une société algérienne qui semble vouée au malheur depuis l’indépendance, l’esprit lucide doit dépasser l’échec pour ne plus se plier. Il interroge et s’interroge, décryptant par l’expérience humaine les conflits et les comportements qu’impose un système injuste, pour démystifier le réel parfois étouffant.
« La cinquième mascarade » nous apprend que malgré les incertitudes, l’espérance d’un avenir meilleur peut jaillir au bout du tortueux chemin. Youcef Zirem à travers ses personnages réussit à faire passer le message que le combat pour la dignité, la démocratie, n’est jamais perdu.
« La Cinquième mascarade », le roman de Youcef Zirem chez Fauves éditions.
Auteur
Brahim Saci
Samedi 17 octobre 2020
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Matoub Lounès la fin tragique d’un poète », de Youcef Zirem

Matoub Lounès la fin tragique d’un poète, de Youcef Zirem est comme une lumière dans le paysage littéraire.
Youcef Zirem nous surprend une nouvelle fois avec joie par la publication d’un beau livre sur le légendaire Matoub Lounès aux éditions Fauves. La couverture du livre est originale, il s’agit d’un tableau,
une peinture portrait de Matoub Lounès, l’artiste peintre a connu le poète chanteur. Il n’est pas facile d’écrire sur ce géant de la culture Kabyle, poète, musicien, auteur-compositeur chanteur, militant infatigable des causes justes.À juste titre, l’approche de Youcef Zirem est des plus pertinente, un style épuré accrocheur, fluide, forgé par la clairvoyance et la volonté toujours vive d’écarter les superflus pour aller toujours vers l’essentiel, qui accapare dès les premières lignes l’attention du lecteur, le regard fixé sur les pages pour ne rien perdre ni de la lumière qui jaillit des mots et tournures ni du rythme apaisant dans une volupté poétique magnifiant la verve tranchante et éclairée du récit.
Youcef Zirem sait nous tenir en haleine. Youcef Zirem nous dévoile un poète vrai, ami de la muse, manipulant la langue kabyle avec grand art et une dextérité saisissante. Matoub Lounès était proche de son public. Ses admirateurs étaient émerveillés par des textes percutants, une voix grave particulière, un style musical travaillé, des mélodies envoûtantes, le tout dans une langue kabyle recherchée, où les mots sont choisis avec amour et l’expérience du vécu pour toucher le cœur et l’imaginaire kabyle en adéquation avec le réel, défi sans cesse renouvelé.
Recréer le monde par le langage poétique dans la recherche d’un idéal au-delà du réel, dans une société kabyle où la poésie est un art de vivre. Page après page, apparaît un poète généreux, amoureux des libertés, humble, fidèle en amitié, proche de son peuple. Nous découvrons un artiste écorché, meurtri dans une quête de l’absolu, d’un amour insaisissable, d’une justice sans cesse bafouée, dans un monde en mutation où les inégalités se creusent de plus en plus. Matoub Lounès, en ardent défenseur des libertés, criait haut et fort des vérités à l’instar du légendaire Slimane Azem auquel il vouait une admiration sans bornes.Comme Slimane Azem, il est resté libre, poète qu’aucune force n’a pu ni plié ni corrompre. Matoub Lounès tombe dans un guet-apens en Kabylie le 25 juin 1998 à quelques kilomètres de son village natal, la thèse de l’assassinat politique soulevée par ses fans semble aujourd’hui se préciser, Matoub dérangeait. Une vraie enquête reste à faire pour déterminer les vrais auteurs et les commanditaires du lâche assassinat de l’un des plus grands poètes algériens kabyles du XXe siècle.
Poète vrai incompris aux multiples blessures bravant l’incompréhension, la folie de son époque, Matoub Lounès a été l’ennemi d’une dictature bien établie avec ses rouages, ses valets, semant le mal et la destruction, érigeant la corruption en valeur, pour s’assurer la pérennité. Nous découvrons aussi les zones d’ombres entourant son assassinat, les intrigues les manipulations, les trahisons, du sommet du pouvoir jusqu’à l’entourage du poète.Des questionnements assaillent le lecteur désespéré à la recherche de réponses. Youcef Zirem a cette magie rare qu’ont seulement les plus grands écrivains, pour ne citer que Faulkner, Zola, Hugo ou Gabriel Garcia Marquez, pour cette grande liberté dans la narration, mais avec une rigueur scientifique, où s’élèvent des interrogations.
Une plume jaillissant, pourfendant les ombres dans une quête perpétuelle de lumière et de vérité. Youcef Zirem nous dépeint un témoignage poignant d’une époque mouvementée déchirée à travers cet artiste hors du commun qu’est Matoub Lounès dont l’œuvre influence et influencera bien des générations. « Matoub Lounès la fin tragique d’un poète » éditions Fauves, enrichit le paysage littéraire, un fabuleux livre à lire, à découvrir.
Auteur
Brahim Saci
Le Matin d’Algérie
Mardi 6 octobre 2020
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Libre, comme le vent » de Youcef Zirem : un hymne à la liberté, à l’amour « Libre, comme le vent » est une bouffée d’oxygène dans le paysage littéraire. Félicitations à ce grand poète romancier qui ne cesse de nous émerveiller avec de belles publications.
Ce fabuleux livre « Libre, comme le vent » est comme une éclaircie dans un ciel obscurci. Le poète est là heureusement pour nous rappeler quand tout semble pencher vers la nuit, qu’il est toujours possible de puiser au plus profond de soi les forces pour en tirer la lumière, pour être « libre, comme le vent ». Voici un titre évocateur, il interpelle le cœur et l’esprit de l’homme dont le mental est déchiré, enchaîné par les chaînes rouillées des désirs superficiels et éphémères qui font de lui l’esclave de l’illusion, où la quête effrénée pour satisfaire l’appétit vorace de l’ego, l’enferme dans l’incertitude grandissante d’une liberté qui semble impossible à atteindre. La poésie de Youcef Zirem forgée par l’expérience et les errances nous dit que le meilleur est toujours possible et que parfois un poème, un aphorisme, peut nous mener libres au bout du chemin.
La poésie de Youcef Zirem est comme cette source enchantée bénie par les dieux où coule la vérité, celle qui jaillit du fond des âges, éternelle, de toute beauté. Notre temps est court mais nous gaspillons l’énergie précieuse à courir derrière des chimères qui nous mènent vers le gouffre, et là, on ne peut s’empêcher de penser à Baudelaire, lui qui a sondé l’âme humaine. La poésie de Youcef Zirem nous donne des ailes, nous rend libres. Elle nous parle, nous approche comme une amie, comme pour nous murmurer à l’oreille qu’il est toujours temps de s’évader, de s’envoler. Youcef Zirem à travers ces vers libres nous libère de toute entrave et conditionnement. Ces aphorismes nous rappellent la brièveté de l’existence ou nous résument en peu de mots l’essentiel, la vérité fondamentale, éclairant ainsi le mental trop longtemps alourdi par une dialectique déformée par le monde matériel. Loin de chercher à convaincre, les aphorismes de Youcef Zirem sont hors du temps, ils paraissent comme une lueur d’espoir pour les âmes perdues qui ont peur du miroir, et ceux en quête de sens.
C’est une poésie qui se laisse boire jusqu’à satiété, mais en vérité celui qui plonge dans cette eau de la terre et du ciel voudrait y rester, pour ne plus en sortir, tant la béatitude de l’essentiel loin du superflu brille comme le soleil qui donne vie. Le poète a un regard juste sur le monde qui l’entoure. Il est témoin de son temps, il voit la folie du monde, (…Happé par la solitude, le joueur de saxophone s’arrête; son instrument détruit, il laisse le chaos se propager; dictatures imposées par le nouvel désordre mondial, les caravanes du mensonge s’emballent… Ivresse impossible, le papillon est déjà ors-jeu; tes neurones saccagés frétillent; seul le désir se plaît à trouver son chemin…).
Le poète est toujours à l’écoute du monde, Youcef Zirem rend un bel hommage au peuple algérien admirable, uni dans la fraternité et l’amour dans son identité berbère, amazigh, dans sa diversité culturelle et linguistique, pour libérer le pays de la dictature et instaurer enfin après tant de sacrifices une vraie démocratie, et retrouver la grandeur du soleil d’Afrique. (…Peuple algérien, tu es magnifique ! Laisse-moi te dire combien je t’aime, laisse-moi te dire combien je t’admire ! Laisse-moi te dire que je j’ai jamais douté de ta grandeur !…Par la force des choses je vis loin de toi…Mais je n’ai jamais cessé de penser à toi…L’exil est, parfois plus dur que la mort…je me sens renaître…aucune armée au monde ne peut s’opposer à ta soif de liberté, de dignité, de justice sociale…Ce qui se passe dans le pays va bouleverser toute l’Afrique du Nord…Peuple algérien, sois patient ta victoire est certaine…Peuple algérien, bientôt tu exerceras ta souveraineté, dans les règles de l’art, sans désir de vengeance, mais avec cet amour de l’autre qui a fait la force de nos ancêtres depuis la nuit des temps…Peuple algérien, tu as beaucoup souffert mais tu es en marche pour ta liberté. Peuple algérien, dans ta marche vers la lumière, tu es beau…)Cet hommage est un hymne à l’amour, à la liberté, comme un beau chant, un beau poème lyrique à la louange de cette révolution algérienne pacifique extraordinaire, saluée par le monde. Il y a dans ce beau livre des quêtes multiples, cherchant un sens, il y a aussi des interrogations qui vont au-delà de notre réalité terrestre, vers l’univers, tentant toujours de saisir un élan salvateur.
« Libre, comme le vent » de Youcef Zirem, chez les éditions Fauve.
Auteur
Brahim Saci
Jeudi 10 septembre 2020
Le matin d’Algérie
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Merci Brahim SACI pour ces mots d’une grande justesse et d’une vérité touchante 🥳 Une merveilleuse critique pour découvrir le nouveau recueil de Youcef Zirem, une page qui chante la poésie dans ce qu’elle a de plus grand 🌬 «
Merci beaucoup Fauves Editions, ce nouveau livre du grand Youcef Zirem « Libre, comme le vent », est une pure merveille, c’est la poésie que j’aime, qui m’éclaire et qui m’interpelle .
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Mohand Cherif Zirem : « Un écrivain authentique doit être un citoyen du monde »

Mohand Cherif Zirem Poète journaliste de talent, Mohand-Chérif Zirem a beaucoup écrit dans la presse, il a aussi plusieurs ouvrages à son actif. Universitaire, il est psychologue clinicien, il est donc de ceux à même de comprendre les bouleversements de la société dans laquelle il vit.
Le Matin d’Algérie :
Vous êtes un auteur prolifique parlez-nous de vos livres ?
Mohand Cherif Zirem :
J’écris depuis que j’avais 11 ans. J’ai débuté en arabe, puis en tamazight et puis en français. J’écris plusieurs livres dans ces trois langues. Certains de mes ouvrages ont été publiés, d’autres pas encore. J’ai publié entre autres : Les Nuits de l’absence, Brahim Saci sur les traces de Slimane Azem, L’Amour ne meurt pas et Je vais encore prendre le large. Je suis édité en Algérie et aux USA. Je suis traduit en italien. On peut dire que j’ai laissé quelques traces dans le monde fabuleux de l’écriture. En outre j’ai fait plusieurs préfaces pour nombre d’auteurs algériens et étrangers. J’écris pour témoigner, pour apporter un plus à mes lecteurs, un tant soit peu.
Vous avez étudié la psychologie, est-ce que cela vous aide dans votre écriture ?
Mohand Cherif Zirem :
Oui je suis psychologue clinicien, sorti de l’université d’Alger en 2004. J’ai soulagé les patients dans deux grands CHU de la capitale. Et depuis des années j’interviens comme psychologue dans la presse et dans mes conférences. La psychologie m’aide dans l’écriture. Je ne me contente pas de noircir les feuilles, mais je tente, toujours, de pénétrer dans l’âme humaine pour l’analyser et tenter de la décrypter. Ce n’est pas du tout facile de faire ça, mais je fais de mon mieux.
Dans un pays qui peine à se démocratiser, où les crises sont multiples, quelle est la place de l’écrivain ?
Mohand Cherif Zirem :
L’écrivain a du mal à se faire une place dans le monde d’aujourd’hui ; un monde qui se matérialise et qui se déshumanise démesurément. Notre beau pays traverse des crises multidimensionnelles depuis des décennies. Les nobles valeurs ont tendance à disparaître et les gens lisent de moins en moins. Cependant, l’écrivain a le devoir d’apporter un plus à sa société et au monde entier. Un écrivain authentique doit être un citoyen du monde qui est à l’écoute de tout ce qui touche l’humain. L’écrivain peut orienter, interpeller, accompagner ses lecteurs.
Le monde est secoué par des bouleversements sans précédents, la gestion de la crise sanitaire, freine les révolutions, en restreignant les libertés, en Algérie, la transition démocratique devient urgente, qu’en est-il du Hirak ?
Mohand Cherif Zirem :
La crise sanitaire complique la situation de l’Algérie, un pays déjà fragile et secoué par des crises qui semblent éternelles. Le Hirak est un mouvement singulier qui aspire à libérer notre chère patrie. Les millions de personnes qui manifestent dans la rue sont à saluer. Personnellement, je ne rate aucune occasion pour exprimer mes aspirations démocratiques dans la rue dans mes écrits, et ce, depuis
plusieurs années.
Actuellement, il est temps de penser à de nouvelles formes de protestation pacifiques pour que l’Algérie se démocratise. Notre combat pour la liberté doit
s’inscrire dans la durée. Le chemin sera encore long. Donc, il faut investir dans l’humain : via la culture, l’éducation et l’inculcation des valeurs humanistes aux générations montantes, des générations qui peinent à trouver leurs repères. Seule la démocratisation réelle de l’Algérie permettra l’évènement d’une nouvelle ère de liberté et de prospérité.
Nous devons, sans cesse, semer l’amour, la tolérance, le respect de l’autre et bien d’autres vertus, lesquelles vont nous permettre d’accéder à un lendemain meilleur.
Auteur
Entretien réalisé par Brahim Saci
Le Matin d’Algérie / Vendredi 6 novembre 2020
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Hamza Zirem : « L’écrivain éloigné de son pays doit se recréer continuellement »

Hamza Zirem est né en 1968 à Akfadou. Il a enseigné la langue française pendant plusieurs années. En 2009, bénéficiant d’une bourse d’études dans le cadre du réseau international ICORN, il a été accueilli en Italie par la municipalité de Potenza. Depuis 2010, il entreprend la profession de médiateur interculturel et linguistique.
Hamza Zirem a collaboré avec plusieurs revues et journaux : Rencontres Artistiques et Littéraires, Algérie Littérature/ Action, La Grande Lucania, Controsenso Basilicata, La Pretoria, Territori della Cultura… Hamza Zirem est l’auteur d’une dizaine de livres. Il est co-auteur de la traduction des entretiens radiophoniques de Jean El Mouhoub Amrouche avec Giuseppe Ungaretti (UniversoSud, 2017).
Il a été nommé, par l’Universum Academy Switzerland, Ambassadeur de la Paix pour son précieux témoignage dans le domaine culturel. Il a obtenu de prestigieux prix littéraires en Italie: Premio Nuova scrittura attiva (Tricarico), Premio Europa (Porlezza), Premio Salvo D’Acquisto (Pescara), Premio Universum Basilicata (Potenza), Premio AlberoAndronico (Roma), Premio La Pulce Letteraria (Villa D’Agri) et Premio La Rosa d’Oro (Torre Alfina). Hamza Zirem a été nommé
membre du comité scientifique du Centre Universitaire Européen du Patrimoine Culturel. Ses textes ont été insérés dans de nombreuses anthologies.
Le Matin d’Algérie :
Après des études universitaires, vous avez enseigné pendant quelques années la langue française, j’essaie d’imaginer la difficulté d’exercer ce métier dans une Algérie où le pouvoir politique prône l’arabisation.
Hamza Zirem : L’enseignement est un métier très enrichissant et très exigeant. Il ne consiste pas seulement à aider les élèves à apprendre, l’éducation à l’école compte beaucoup et doit amener les apprenants à réfléchir à la manière dont ils peuvent contribuer à l’édification d’un monde meilleur. De mon expérience personnelle, je me rappelle surtout des textes de grands auteurs, qui ne faisaient pas partie du programme officiel, que j’étudiais avec mes élèves et qui nous transmettaient des regards observateurs sur la société ainsi qu’un sens profond des rapports humains. L’école algérienne a toujours été utilisée à des fins politiques.Les diverses «réformes scolaires», entamées au cours des années, n’ont pas vraiment pour objectif une refonte pédagogique, les idéologies planifiées du régime ont intentionnellement détérioré le système éducatif. Dans son étude intitulée « Crise linguistique en Algérie: les conséquences de l’ arabisation », l’universitaire Lily Keener a écrit en 2019 : « En ce qui concerne l’Algérie, qu’il soit de la langue ou de la religion, le gouvernement ne désire que monopoliser tout afin de garder le pouvoir, et de plus, il ne désire que le pouvoir. Il ne s’intéresse ni à la question de la langue, ni de la culture. La langue arabe a bien été exploitée comme un outil destiné à la domination des Algériens. Chez le gouvernement algérien n’existe qu’une histoire de corruption qui a conduit le problème islamiste jusqu’à la décennie noire ainsi que la politique d’arabisation jusqu’à l’empêchement de la modernisation ».
Pouvons-nous dire que ce sont les contradictions, le manque d’horizon d’un pays qui se referme sur lui-même qui vous a ouvert les portes de l’écriture et vous a poussé à partir ?
Hamza Zirem : J’ai grandi dans un milieu familial très propice à l’éveil culturel. Je me suis rapproché davantage de l’écriture suite à mes rencontres déterminantes avec certains copains durant les études universitaires, nous avions vécu des expériences très formatrices et les lieux que nous fréquentions étaient de véritables bouillonnements culturels. En outre, dpuis 1990, j’ai entamé une correspondance littéraire en échangeant les idées avec de nombreux écrivains francophones qui m’ont encouragé à publier mes propres textes.
Parmi eux, je peux citer Djamel Amrani, Michel Tournier, Jeannie Varnier et Michel Poissenot. Après avoir exercé pendant une quinzaine d’années dans le domaine de l’enseignement, j’ai quitté l’Algérie en 2007. J’ai vécu pendant plus d’une année en Norvège et puis je me suis installé en Italie. Abandonner son pays est toujours un choix douloureux. Les raisons qui poussent les Algériens à quitter le pays sont multiples.La situation actuelle de l’Algérie est désastreuse: le président de la république et les membres du gouvernement sont illégitimes, le chômage est grave et endémique, les émeutes sont récurrentes, la flambée des prix érode continuellement le pouvoir d’achat des familles et la majorité de la population vit sous le seuil d’une extrême pauvreté, il n’existe aucune liberté d’expression, l’absence de démocratie est totale, la violation des droits de l’homme est systématique, l’incessante détention des militants du Hirak est arbitraire, la gestion de la crise sanitaire liée au Covid-19 est très mauvaise…
Vous vivez depuis plusieurs années en Italie, où vous avez réussi à vous imposer en publiant des livres en italien et en français, parlez-nous de vos ouvrages ?
Hamza Zirem : Ma première suite poétique, parue aux éditions françaises Clapàs, remonte à 1997 et depuis j’ai continué de publier des recueils de poèmes, quelques essais littéraires, des entretiens avec certains auteurs, des fables pour enfants et des romans. J’ai également écrit le texte d’une pièce théârale qui a été représentée par la troupe Gommalacca à l’occasion de l’inauguration de « Matera, capitale de la culture européenne 2019 ». Je suis aussi co-auteur de la traduction des entretiens radiophoniques de Jean El Mouhoub Amrouche avec le poète italien Giuseppe Ungaretti, un livre publié chez UniversoSud en 2017. Dans quelques mois paraitra mon nouveau recueil de poèmes intitulé « La persistance des vieux jours » avec une introduction de Philippe Poivret.
L’Italie vous a adopté, vous avez obtenu de prestigieux prix littéraires ainsi que des nominations de très haut niveau comme ambassadeur de la paix et membre du conseil scientifique du Centre Universitaire Européen du Patrimoine Culturel de Ravello. Parlez-nous de ces heureux événements ?
Hamza Zirem : On m’a attribué des prix littéraires et des nominations, et les différents motifs des reconnaissances sont minutieusement expliqués par les jurys responsables. J’avais bénéficié d’une bourse d’études dans le cadre du réseau international ICORN et je suis accueilli par la municipalité de Potenza au sud d’Italie, en Lucanie. Invité dans un cadre officiel m’a énormément aidé à organiser facilement beaucoup de rencontres culturelles pour parler de mes livres et d’autres sujets. J’avais, par exemple, organisé en 2009 avec le professeur Luigi Serra (un chercheur universitaire en études berbères et un ami de Mouloud Mammeri) un colloque international sur la Kabylie comme région emblématique de la Méditerranée. Oui la Lucanie m’a adopté. Cette région méridionale a accueilli de nombreuses et importantes civilisations méditerranéennes, des Grecs antiques aux hommes illustres du XXe siècle.
Une région riche en paysages qui, sur quelques kilomètres, changent considérablement : des côtes sableuses ou découpées, des lacs aux montagnes, des châteaux aux fermes ; elle offre des décors splendides très différents. Le sud d’Italie a su garder une réelle authenticité semblable à la Kabylie, avec des gens viscéralement attachés à leur terre, à leur culture et à leur langue.Les Lucaniens ont fièrement conservé leurs traditions aux rites anciens et ils ont su mettre à profit toutes les stimulations culturelles. Cette terre riche en produits gastronomiques est une gardienne excellente d’un patrimoine ancien et raffiné. Chaque commune est un haut lieu de valeurs culturelles d’où émergent des faits, des us et coutumes d’une grande richesse.
Le caractère de l’Italien du sud est souvent jovial, on peut discuter de tout avec lui, vu sa facilité d’approche et son humanité. Les Lucaniens sont ouverts au monde par tous leurs sens, ils sont admirablement armés pour recueillir le trésor illimité de sensations et de jouissance que la Lucanie met à leur disposition. Ils gardent en eux intacts la puissance, l’audace et le besoin d’appréhender le monde dans sa réalité physique, ils sont de vrais habitants de la terre. Ils vivent en harmonie avec l’univers en atteignant un haut niveau de plénitude morale. De cet accord profond et essentiel, entre la Lucanie et ses habitants, nait une parfaite grâce.Après avoir passé plus d’une année en Norvège où les personnes sont très froides comme leur climat, je me retrouve beaucoup mieux ici au sud de l’Italie dans le climat de la culture méditerranéenne, je ne me sens pas dépaysé et je découvre beaucoup de choses similaires entre l’Afrique du nord et le sud de l’Italie : les traditions et les us, certains faits historiques, les rythmes de la musique, la saveur culinaire, l’architecture, l’accueil des gens, la mentalité, la sympathie, la vie communautaire et même la langue dont beaucoup de termes arabes et berbères sont utilisés dans les dialectes lucaniens.
Y a-t-il des reconnaissances ou des évènements culturels importants auxquels vous aviez participé qui vous tiennent particulièrement à cœur ?
Je suis parfois invité par des universités, des établissements scolaires et des associations culturelles pour participer à des événements culturels. Chaque rencontre me procure de grandes satisfactions. Je cite quelques épisodes qui me viennent à l’esprit en ce moment.
Lors d’un festival de la poésie des pays méditerranéens qui s’est tenu à Nusco le 24 octobre 2009, les élèves de cinq lycées d’Irpinia dirigés par leurs professeurs ont étudié et traduit mes poèmes du français vers l’italien et même du français vers le latin. Ils m’ont consacré d’admirables critiques littéraires qui ont été publiées dans le numéro 4 de la revue «Il Monte». Ma suite poétique intitulée «Saisir le présent », parue dans la revue Algérie Littérature / Action en 2005, a été traduite en norvégien par le traducteur de Nedjma de Kateb Yacine : Kjell Olaf Jensen et a été publiée en 2008 à Stavanger. Mon roman « Inno alla libertà di espressione » a été étudié à l’Université de la Basilicate par les étudiants du département des sciences humaines.En décembre 2010, un de mes textes est publié à Florence dans une anthologie, consacrée au thème de la liberté des idées, imprimée en 7000 copies et distribuée gratuitement dans tous les instituts scolaires du cycle secondaire de la Toscane. Dans un de ses livres, le grand écrivain italien Rocco Brindisi me cite dans plusieurs passages une trentaine de fois. Après avoir lu mon roman
intitulé « L’exil norvégien d’un écrivain kabyle », le poète Oudjedi Khellaf m’a écrit un long commentaire, voici un petit extrait : « La première impression qui se dégage de ce roman est la poésie dont il regorge. (…) Ton écriture ressemble à celle de Mouloud Feraoun ou Albert Camus par sa simplicité, à celle de Mouloud Mammeri par sa poésie et à celle de Kateb Yacine par sa profondeur humaine ».
Est-ce que vous pourriez mettre en évidence quelques brefs extraits de votre roman que vous venez de citer pour donner une idée bien précise, aux lecteurs de notre journal, de ce que vous écrivez ?
« Le rôle de Massi en tant qu’écrivain est d’ouvrir son cœur et ses idées à ses interlocuteurs, d’exprimer sa vision des choses, ses craintes et ses aspirations. L’acte d’écrire est, d’une certaine manière, un acte risqué qui suppose beaucoup de courage et d’abnégation dans le contexte où il vivait. Répondant aux questions qu’on lui pose, Massi évoque sa collaboration au journal Akfadou News et savoure encore ces temps durant lesquels il s’efforçait de sensibiliser les lecteurs sur des questions de morale, sur l’importance de la citoyenneté souveraine et sur le déclin de l’ouverture démocratique qui a gangréné l’Algérie jusque dans ses moindres recoins.Face à l’oppression, ses articles se sont faits virulents, ce qui lui a valu un emprisonnement. L’écriture journalistique l’a fait voyager abondamment. Sa cause était juste et son combat était indispensable. Sa conscience demande à ce que quelqu’un le comprenne et poursuive sa lutte. Peut-être qu’un jour ses signaux seront plus forts que l’inhumanité de ceux qui l’ont poussé à l’exil. (…) Massi est un terrien, qui s’est nourri de vérités simples. C’est cela qu’il tente de traduire dans ses livres, par besoin de le rappeler au monde qui l’oublie, quand il ne se désintéresse pas, préférant les plaisirs et les vanités.
Massi est quelqu’un qui a besoin du ciel mais dont les pieds demeurent ancrés dans le sol, il a besoin du concret, de toucher, de sentir, de voir et d’entendre avec les mots de tous les jours. Ses sentiments s’appuient sur des valeurs qui ne visent que ce qui peut rendre le monde et les hommes meilleurs. L’encre dans laquelle il plonge sa plume n’est pas celle qui rédige les savants dictionnaires, mais celle où le cœur puise ce qui le fait battre. (…) C’est quoi l’exil ? Une omniprésence d’un état d’esprit énigmatique. Vidée de sa substance vivante, l’âme s’engourdit et s’éteint dans un profond sommeil. Comme le vent qui souffle nerveusement sur le no man’s land, le bateau de Massi a du mal à trouver son port. Les flashbacks douloureux l’empêchent d’oublier les temps malfaisants et les périples âpres. (…) L’expérience de l’expatriation est une épreuve douloureuse et éprouvante.L’écrivain éloigné de son pays doit se recréer continuellement une ambiance avec des couleurs imprécises. Massi reconsidère son exil dans ce qu’il contient d’épaisseur de survie, de souffrance, de joie inventée et de liberté recherchée. L’exil est une tension qui vise à fragmenter tant d’expériences humaines. Le regard de Massi est braqué vers un avenir de sentiments blafards. Sa vision est déroutante dans un mélange de symboles et d’interprétations confuses. La déraison de son époque l’a contraint à consommer la bêtise des jours contrariés. Il reconnaît l’inanité de son cheminement décérébré ».
En France, les écrivains algériens souffrent du manque de visibilité pour la majorité car l’accès aux médias est souvent impossible. Pensez-vous que l’Italie offre plus l’ouverture et plus de perspectives de réussite aux auteurs étrangers ?
Oui l’Italie offre certainement plus de possibilités aux écrivains étrangers par rapport à la France. Au fil des années, la reconnaissance des différentes cultures et l’écoute des témoignages d’auteurs étrangers deviennent de plus en plus importants. L’intérêt pour la littérature produite par des auteurs d’origine étrangère en Italie est né dans le cadre d’un cours universitaire sur la communication interculturelle, initié par l’enseignante Paola Ellero qui avait déclaré : «Les productions culturelles des étrangers constituent, au-delà de leur valeur littéraire, un outil pour dépasser les frontières qui conditionnent encore notre façon de penser et de vivre le phénomène migratoire et la présence de citoyens immigrés dans notre pays. Ils nous invitent à regarder la réalité, souvent entachée de stéréotypes, à travers les yeux de ceux qui ont cherché et trouvé l’hospitalité parmi nous, parvenant également à s’intégrer.
Face à l’augmentation des flux migratoires de ces dernières années, à l’image transmise par les médias, un changement de perspective dans notre façon de voir l’immigré est de plus en plus nécessaire. La littérature des migrants en langue italien peut jouer un rôle important dans ce processus, car elle reflète dans le présent de ces nouveaux voisins notre passé, pas substantiellement différent, même s’il est refoulé, d’hommes et de femmes qui ont dû abandonner leur terre pour chercher ailleurs une meilleure vie ».
L’Italie n’est pas épargnée par la crise sanitaire mondiale, comment vivez-vous cela ?
On résiste en espérant que les choses rentreraient dans l’ordre après la saison hivernale. On se rend compte que la première vague de la pandémie n’a pas servi de leçon aux gouvernants, on se retrouve une nouvelle fois avec un manque flagrant de préparation. La deuxième vague du coronavirus est brutale, elle dévoile les disparités du système sanitaire italien et les hôpitaux du sud risquent de chavirer. Pour le moment, les autorités ont catalogué les vingt régions en zones jaunes, oranges et rouges, impliquant différentes restrictions.
Quel regard portez-vous en Italie sur la révolution pacifique algérienne du Hirak ?
Un collectif d’Algériens résidents en Italie a été créé pour soutenir le Hirak. Il organise souvent des activités à la place Cordusio de Milan et rassemble des dizaines de personnes très actives qui se solidarisent avec les manifestants en Algérie et sensibilisent l’opinion italienne. Les protestations menées par le Hirak algérien étaient très impressionnantes. Les messagers de la révolution du sourire, depuis le mois de février deux mille dix-neuf et pendant plus d’une année, ont organisé des manifestations de masse plusieurs fois chaque semaine en Algérie et dans plusieurs pays étrangers où résident nos concitoyens. Ils ont hissé notre âme que l’on tente d’assujettir, ils continuent à réclamer un état civil et non militaire, ils ont brandi des slogans captivants, leurs chansons improvisées valent mieux que mille discours.
Ils ont mis l’intérêt collectif au dessus de tout, ils se sont rappelé des sacrifices de nos martyrs, ils ont traversé toutes les villes et tous les bourgs pour libérer nos âmes enchainées et abattre les injustices qui ont perduré. Ils ont franchi des océans en démence et des territoires consternés pour allumer sur nos fronts la flamme de l’espoir. Ils supportent encore de longues attentes pour tracer d’authentiques chemins, ils résistent aux aléas des quatre saisons pour figurer l’arc-en-ciel. Ils affrontent constamment de très grandes difficultés causées par le régime dictatorial des militaires. Beaucoup de personnes sont arrêtées et arbitrairement emprisonnées à cause de leurs opinions, même le drapeau amazigh dérange ceux qui ont renié notre identité. Les hirakistes sont des militants vigoureux et ils s’expriment pacifiquement en réinventant nos aspirations avec de géniales trouvailles. Ils s’efforcent de garantir des lendemains qui chantent pour ouvrir les fenêtres du pays sur la promesse de l’aube. L’Algérie libérée des tyrans est une espérance pour tous. Les messagers de la révolution du sourire ont désobéi à la mort programmée de l’Algérie pour déjouez les ivresses et les fureurs des décideurs illégitimes. Les agents du désordre ne peuvent brouiller les pistes perpétuellement. Après la pause forcée, due à la pandémie, les hirakistes renaitront avec de nouvelles formes de lutte. Avec leur détermination, ils résisteront jusqu’à l’instauration d’une transition démocratique et iront jusqu’au bout avec le projet du changement radical pour éteindre l’incendie causée par les pyromanes du pouvoir. Cette révolution extraordinaire, ignorée par presque tout l’Occident, se poursuivra certainement jusqu’à la chute de la dictature des généraux. Les revendications de liberté et de démocratie soulevées dans le plus grand pays africain entraîneront des changements majeurs dans l’ordre géopolitique de l’Afrique du Nord et auront un impact sur le monde entier. Ces changements seront d’une importance fondamentale en ce qui concerne notamment l’avenir de la
politique étrangère des différents pays européens.
Auteur
Entretien réalisé par Brahim Saci
Le Matin d’Algérie
Jeudi 19 novembre 2020
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Café littéraire parisien L’Impondérable, le rendez-vous incontournable de Youcef Zirem

Paris compte cinq cafés littéraires historiques, « Les DeuxMagots » à Saint Germains des prés, que fréquentaient jadis Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Stéphane Mallarmé, un lieu de rendez-vous d’artistes et d’intellectuels, Guillaume Apollinaire, Elsa Triolet, Louis Aragon, André Gide, Picasso et d’autres.
« Le Procope » dans le 6ème arrondissement de Paris, La fontaine, Racine, Diderot, d’Alembert, Beaumarchais, Voltaire, Balzac, Nerval, Hugo, George Sand, Musset et Verlaine s’y sont attablés. Aujourd’hui Amélie Nothomb, Éric-Emmanuel Schmitt fréquentent ce lieu.
« Le Café de la Paix », place de l’opéra dans le 9è arrondissement, fréquenté par de nombreux intellectuels, écrivains, Maupassant, Victor Hugo, Émile Zola, Oscar Wilde, Paul Valéry, André Gide, Marcel Proust.« Le Café de Flore » dans le 6ème arrondissement, fréquenté par Guillaume Apollinaire, Picasso, Boris Vian, Serge Reggiani, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Ionesco.
« La Closerie des Lilas » dans le 6ème arrondissement, Bazille, Renoir, Monet, Sisley, Pissarro, Émile Zola, Paul Cézanne, Théophile Gautier, Charles Baudelaire, Edmond de Goncourt, Paul Verlaine, Paul Fort, Lénine Guillaume Apollinaire, Alfred Jarry. Amedeo Modigliani, Germaine Tailleferre, Paul Fort, André Breton, Louis Aragon, Pablo Picasso, Jean-Paul Sartre, André Gide, Paul Éluard, Oscar Wilde, Samuel Beckett, Ernest Hemingway, Francis Scott Fitzgerald, Henry Miller, ont fréquenté cet endroit.Le café littéraire de L’Impondérable de l’écrivain Youcef Zirema lieu tous les dimanches depuis plus de deux ans dans le 20ème arrondissement de Paris, plus précisément au 320, rue des Pyrénées. Beaucoup d’artistes, d’intellectuels, d’écrivains s’y côtoient chaque dimanche. Mais bien que ce soit le seul café littéraire qui a lieu chaque semaine à Paris, la presse française, curieusement, n’en parle pas.
Ce café littéraire est pourtant un exemple pour le vivre ensemble et l’ouverture culturelle. C’est un lieu convivial, où les échanges se font dans la curiosité, l’amitié, et la bonne humeur. Les poètes, les écrivains, les artistes en général, sont toujours les bienvenus.
Mathilde Panot, députée de la France insoumise est venue parler de la situation sociale en France, elle a évoqué la lutte des gilets jaunes, du « Hirak » la révolution du peuple algérien dite du sourire, puisqu’elle a été en Algérie, en Kabylie, rencontrer les révolutionnaires. Mathilde Panot a aussi parlé des mouvements révolutionnaires en Amérique latine et à travers le monde.
Les artistes, le écrivains, les intellectuels de tous bords viennent parler de leurs publications. L’écrivain Youcef Zirem assure la programmation et anime toujours les débats avec brio.Après une présentation et un échange entre l’invité et Youcef Zirem, la parole est donnée au public. Chacun est libre d’intervenir et de poser la question qu’il veut, même celui qui vient de rentrer, qui n’a rien suivi, tout le monde l’écoute avec bienveillance et l’invité lui répond, tout se passe dans le respect du vivre ensemble.
Ce café littéraire situé dans un quartier populaire joue un rôle éducatif. Les rencontres sont toujours chaleureuses et conviviales. Un repas est souvent offert après la rencontre. Les gens restent souvent très tard et en profitent pour échanger autour d’un verre entre eux et avec l’invité.Moise Kemmache le patron du lieu contribue aux côtés de Youcef Zirem à faire vivre ce café littéraire, on leur dit un merci et un grand bravo ! C’est vraiment un exemple d’ouverture culturelle dans le respect de la diversité et du vivre ensemble.
Dans une société parisienne qui a tendance à se refroidir dans un individualisme grandissant dans un repli sur soi effrayant, le café littéraire de l’Impondérable est comme une oasis dans un désert brûlant, ou un coin du feu dans un hiver glacial.Certains m’ont dit attendre chaque dimanche avec impatience. Ce rendez-vous est devenu incontournable pour beaucoup de parisiens et non parisiens.
Auteur
Brahim Saci
Dimanche 6 septembre 2020
Le Matin d’Algérie
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Le « HIRAK », la révolution du peuple algérien dite du sourire
Mon grand ami l’écrivain Youcef Zirem que je considère comme l’un des plus grands écrivains francophones contemporains algériens dit toujours qu’il ne faut mythifier personne et il a raison. Je sais que l’Algérie depuis l’indépendance a tout fait pour nous conditionner comme font tous les pouvoirs despotiques, totalitaires, pour ne voir qu’avec des œillères, une seule religion, une seule langue, un seul écrivain, un seul artiste, souvent ceux qui gravitent autour de la cour du roi. L’histoire n’oublie jamais rien.
Seule une véritable démocratisation permettra à chacun d’avoir sa place, sans elle rien n’est possible ! La révolution actuelle dite du sourire le « Hirak » qui secoue l’Algérie depuis février 2019 est déjà gagné dans les esprits. Le peuple algérien s’est réveillé, éveillé, décidé à faire tomber le système despotique vieilli qui étrangle le pays depuis l’indépendance.
Sans démocratie rien n’est possible, ni la justice sociale, ni la justice tout court, ni la liberté d’être, de penser, d’opinion, d’action. Un ami rêvant d’une Kabylie indépendante me disait récemment reprocher au « Hirak » les slogans en langue arabe, mais il faut voir au-delà car le but est la chute du régime, de la dictature pour instaurer une démocratisation, mais la langue berbère, la langue kabyle est à peu près présente à travers tout le pays, on a même vu des slogans kabyles dans des régions arabophones. Il faut être lucide, l’urgence est la chute du système, sans cela rien n’est possible ! Nous avons vu que la Catalogne n’a pu avoir son indépendance même dans une Espagne et une Europe démocratique alors que l’Afrique peine à se démocratiser.Les idées d’autonomies, d’indépendances ou de fédéralismes ne peuvent se développer que dans une véritable démocratie. La révolution doit continuer pour en finir avec les mascarades ! L’Algérie n’a jamais connu d’élections libres et démocratiques, tous les présidents ont été désignés ! Une transition démocratique est urgente pour mettre fin aux injustices, à l’arbitraire, à la pensée unique !
L’Algérie est à un tournant de son histoire, le peule dans son ensemble, les 48 wilayas, veut la chute du système. Une révolution admirable saluée par les esprits libres du monde entier. L’Algérie démocratique de demain donnera sa place à chacun. « Pour faire une révolution il faut un peuple » Victor Hugo.
Brahim SACI.
Le 31 janvier 2020.
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YOUCEF ZIREM
UNE VIE VOUÉE À L’ÉCRITURE
L’écrivain poète journaliste Youcef Zirem, un écrivain talentueux, dont l’aura dépasse les frontières, parfois me rappelle Faulkner, parfois il me rappelle Camus, Mouloud Feraoun ou Gabriel Garcia Marquez.
Sil peut nous paraître quelquefois en marge, il n’en est rien en vérité, car il est parfaitement attentif et à l’écoute de la société dans laquelle il vit et suit les bouleversements du monde, son esprit perspicace et lucide comprend les enjeux, et tente bien des fois d’alerter et prévenir la conscience humaine.
Si sa vison métaphysique semble hors du temps, elle est aussi bien de son temps, conscient des flux volontaires et involontaires de l’époque qui semblent échapper au pouvoir humain. Ses écrits et sa façon d’être, sont un enseignement. Il sait que le présent façonne l’avenir avec les leçons du passé. Il ne cessera d’œuvrer à dégager la pensée dépoussiérée, de toute soumission. Il n’est pas rare de le voir à une terrasse parisienne, un café et un journal, parfois même en train de griffonner une pensée, un poème.
Youcef Zirem a cette manière étrange et mystérieuse de saisir l’inspiration et de ciseler les mots à la manière d’un orfèvre pour en retirer tout ornement superflus pour en retenir que l’essentiel. Sa vie est remplie de poésie, le regard du poète ne le quitte jamais , même à travers ces romans où il est souvent lui même l’un des personnages. Sil transfigure parfois la réalité c’est toujours pour la rendre plus réelle, à la portée de tous, afin que nul n’oublie.
Youcef Zirem connaît le poids de l’exil celui que ressent tout être incompris où qu’il soit, et la solitude qu’il apprivoise pour la rendre féconde, car c’est peut-être seulement là que l’âme est libérée, où la plume peut sans entraves s’exprimer. Il n’aura de cesse de tenter de briser les silences, bousculer les absences pour s’élever contre toutes les formes d’oppression. Il sait la fragilité des choses, ses écrits nous mettent en garde contre l’absurde qu’on tend à ériger en certitude.
Il est l’humaniste, l’ami. Youcef Zirem connaît les chemins justes, il essuie les larmes du faible, il connaît aussi les sentiers sinueux des méchants, des arrogants, il fustige et dénonce l’impunité des puissants. Il est de tous les combats qui mènent à la libération des peuples. Il aime les petits cafés parisiens, comme la plupart des grands poètes et écrivains car là les échangent sont sincères, les regards sont libres, les gens laissent leurs armures à l’extérieur, la vie est vraie.
Son livre, « Libre, comme le vent », le résume très bien, la liberté n’est pas pour lui un simple credo mais une façon de vivre, c’est un état d’être. Il sème des graines de lumière sur son passage, il éclaire ceux qui le lisent, il redonne l’espoir à ceux qui l’approchent. Il aime flâner dans les rues de Paris, cette ville lumière des poètes et des écrivains.
On le croirait tiré d’un personnage de roman, il est la pensée libre sans concession, il milite depuis de longues années pour la démocratisation de l’Algérie, et la liberté des peuples opprimés. IL aime aussi prendre des photos de cette ville des arts, pour fixer ces instants éternels parisiens. Si j’ai publié plusieurs livres de poésie, c’est en partie grâce à ses encouragements, et il m’a à chaque fois honoré d’une belle préface dont il a la magie. Rares sont les auteurs qui ont sa sagesse et sa générosité. Je suis heureux d’être son ami et j’attends à chaque fois avec impatience ses nouvelles publications.
Brahim Saci
Le Matin d’Algérie
Le 20 juin 2020

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Le roman «la porte de la mer» de Youcef Zirem vient de paraître aux éditions Intervalles, un hymne à la vie, à la liberté.
Le roman «La porte de la mer» de Youcef Zirem nous interpelle à plus d’un titre. Dès le début nous sommes frappés par le titre très évocateur, nous pensons tout de suite à la liberté mais la photo nous montre une femme enfermée qui ne voit le monde extérieur qu’a travers une fente, une déchirure.
Il y a de prime abord une dualité entre cette photo de couverture qui montre une femme désespérée et le titre qui est plein d’espoir, le lecteur est alors envahi d’une impatience inouïe pour ouvrir le livre et entrer dans l’histoire qu’il pressent écorchée vive et plonger dans cette mer inconnue.
Dès la première page on constate que le roman est dédié au poète chanteur compositeur Brahim Saci, » A brahim Saci, pour la clairvoyance de son regard, pour sa poésie qui sait saisir l’essentiel, pour ses chansons toutes enrobées d’un humanisme serein et toujours en mouvement. » qui est comme une clé ouvrant une petite porte pour découvrir un peu plus ce roman. Puis l’auteur cite une phrase de Fernando Pessoa, « J’ai conquis, un petit pas après l’autre, le territoire intérieur qui était mien de naissance. J’ai réclamé, un petit espace après l’autre, J’ai accouché de mon être infini, mais j’ai dû m’arracher de moi-même au forceps. » comme pour nous donner une deuxième clé ouvrant une autre porte de compréhension pour mieux aborder le livre.
Nous découvrons une histoire tragique émouvante dans une Algérie déchirée qui se recherche. Les protagonistes sont tantôt perdus dans une société en effervescence où parfois la folie dicte ses lois, tantôt lucides pour panser ses blessures, se frayer un chemin et réinventer l’espoir. L’auteur dans une transfiguration de la réalité en allégorie de la critique d’une société algérienne extrêmement corrompue, une méthodologie stricte de l’observation, de la description, qui nous rappelle l’écriture d’Émile Zola.
Dans ces vives descriptions des inégalités sociales génératrices des passions les plus viles, à travers des personnages attachants que la misère ne plie pas, nous ne pouvons nous empêcher de penser à Honoré de Balzac tant le héros balzacien est un observateur révolté qui contemple impuissant. La forme narrative parfois hachée parfois fluide nous rappelle aussi par moments William Faulkner.
Ainsi l’héroïne Amina consciente de son impuissance mais ne baisse pas les bras, elle avance pour ne pas oublier, dans une Algérie qui cultive l’oubli de peur de se regarder dans le miroir.
Amina me fait penser à Nedjma de Kateb Yacine dans la transfiguration de l’Algérie tant elle témoigne d’une Algérie défigurée, meurtrie.
Brahim SACI
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SANDRA CARDOT, LE BONHEUR À TOUT PRIX – AFRIQUE DU NORD NEWS
25 Octobre 2018
Sandra Cardot, le bonheur à tout prix
Sandra Cardot, est une personne lumineuse que chacun devrait lire. Toujours souriante et joviale, toujours dans le don de soi, le partage et l’abandon, son simple regard vous fait aimer la vie.

Après son livre « En pleine conscience, itinéraire lucide vers le bonheur spirituel » publié aux éditions Michalon, dont on a beaucoup parlé, où elle nous éclaire sur les pouvoirs immenses cachés en nous et comment l’amour, l’empathie et la compassion arrivent comme par magie à les libérer, pour nous libérer, toujours pour le meilleur, améliorer notre vie, en parfaite communion avec les autres et le monde qui nous entoure, Sandra revient avec une nouvelle publication « Empathie et compassion ».
Sandra Cardot revient donc renforcer sa vision du monde avec une grande lucidité et une verve poétique qui semble inépuisable avec cette deuxième publication « Empathie et compassion » publiée aux éditions Michalon, qui est comme un rayon de soleil dans le paysage littéraire.
Sandra Cardot vient nous émerveiller avec ce livre pour le plaisir des lecteurs en quête de sens et de lumière, où lucide, perspicace et pédagogue elle nous ouvre les yeux sur le chemin du bonheur, de la spiritualité et nous donne des outils tels des clés pour ouvrir les portes conduisant à l’épanouissement personnel.
« Empathie et compassion » est un livre qui nous aide à respirer dans cette époque où tout va trop vite, où l’homme s’oublie, esclave de ses désirs entraînant derrière lui le chaos. Sandra Cardot nous offre la voie salvatrice de la spiritualité, de la méditation pour guérir le mental et redonner un souffle, un sens, aux esprits écorchés, aux cœurs torturés, qui portent le joug offert par le monde matériel.
Le monde tend à imposer le superflu et le non-sens, les ténèbres qu’il tisse voilent le vrai sens de la vie et notre raison d’être qui est d’être heureux, un bonheur que nous avons tous en nous même si l’éblouissement des lumières artificielles extérieures tend à nous le faire oublier.
Il faut beaucoup défricher, semer et aimer dans l’abandon, sans jamais rien attendre, c’est seulement là que peuvent commencer à apparaître des éclaircies dans le mauvais temps dont nous sommes le plus souvent responsables, et voir le chemin qui mène à la réalisation spirituelle en évitant les pièges de l’ego.
Sandra Cardot nous montre que notre plus grand ennemi est l’ego et nous donne des outils pour le combattre. Elle nous montre aussi combien tout ce qui est vivant est lié toujours pour célébrer la vie où tant de forces interréagissent dans l’amour et la compassion et qu’il est possible de changer nos comportements et nos réflexes hérités des générations qui nous ont précédées et d’aller vers l’amour absolu du vivant.
La nature est pleine d’enseignements pour ceux qui regardent avec le cœur loin des barrières, œillères, préjugés, terreur, inégalités, pauvreté, peurs et interdits que la société nous impose avec ses rois et ses vassaux pour pérenniser les forces obscures sous le règne du Veau d’Or afin de barrer la route à l’amour, au partage, à la compassion.
En nettoyant son cœur chaque jour, en souriant, en acceptant les événements de notre vie avec sérénité nous renforçons les forces positives qui participent à l’équilibre du monde, de la nature et de l’univers. Ce livre nous aide à mieux voir la vie, il nous montre comment aller vers l’essentiel, accepter ses peurs qu’engendrent les désirs pour pouvoir en sortir.
« Empathie et compassion » et « En pleine conscience, itinéraire lucide vers le bonheur spirituel » sont deux livres qui nous éclairent et nous ouvrent la voie vers la méditation pour une ascension spirituelle vers le langage libérateur du cœur.
Sandra Cardot nous apprend à nous libérer des ruses du mental et des pièges de l’ego, à cultiver le pardon pour retrouver l’équilibre enfoui au fond de chacun, en nous donnant des outils simples qui nous aideront au jour le jour à écarter les brumes du superflu qui viennent de l’extérieur.
Les livres de Sandra Cardot « Empathie et compassion » et « En pleine conscience, itinéraire lucide vers le bonheur spirituel » nous accompagnent comme une lumière bienfaitrice, éclairant notre quotidien, nous aidant à voir plus clair dans la nuit ou en plein jour, pour un éveil de la conscience tourné vers le cœur pour une élévation spirituelle et une plénitude intérieure, pour comprendre que l’amour, l’empathie, la compassion et le pardon sont les clés du bonheur.
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KATIA TOUAT, UNE POÉSIE QUI INTERPELLE LE CŒUR ET L’ESPRIT.
14 Novembre 2018

Katia Touat, une poésie qui interpelle le cœur et l’esprit
« Ijeɣlalen n tudert » est un magnifique recueil de poésie en langue kabyle de Katia Touat publié aux éditions Achab, disponible en Algérie.
En ouvrant le recueil, nous sommes de prime à bord éblouis par la beauté qui s’en dégage comme un baume apaisant pour supporter les tiraillements subis par la pensée afin d’en écarter les ombres pour plus d’éclaircies.
L’attention est tout de suite happée par la liberté du style poussée à son paroxysme comme pour mieux retenir le lecteur dans une tentative hâtive de réduire toute réticence et résistance du mental pour une libération du regard des contingences de la condition humaine. Sortir de la forme vers d’autres configurations et styles, dans une volonté d’attiser la curiosité de l’esprit pour une poésie sans cesse renouvelée.
Les vers s’articulent parfois empreints d’une grande mélancolie, mais sans exagération, car l’imaginaire kabyle rend tout cloisonnement et enfermement quasi impossibles. Une poésie moderne par sa musicalité et le rythme tirant sa force dans un décloisonnement de la pensée libérant l’esprit. Katia Touat ne s’accommode pas des influences et des représentations, curieuse et surmontant les difficultés, elle essaie d’aller au plus profond d’elle-même pour saisir les éléments nécessaires pour dépeindre avec bienveillance la complexité de l’existence.
Les poèmes se succèdent dans un jaillissement de lumière surprenant, magnifiant, élevant l’esthétique de cet art littéraire que cisèle Katia Touat avec la force du cœur. L’effort se précise avec dextérité dans un élan stylistique singulier et irrégulier qui à première vue peut paraître hyperbolique dans son expression.
Au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture du livre, une poésie profonde s’offre à nous parfois pour nous surprendre par un renouveau du genre et du style qui interpelle, bouscule, éclaire et élève l’esprit. Katia Touat sort des sentiers battus, elle ne se perd pas dans des descriptions et développements inutiles et superflus.
La langue kabyle est merveilleusement ciselée, travaillée, pour transfigurer les douleurs, les déchirures du cœur, de l’âme, dans un élan poétique bienveillant et salutaire.
Brahim SACI
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HISTOIRE DE KABYLIE, LE POINT DE VUE KABYLE», DE YOUCEF ZIREM.
31 octobre 2018
« Histoire de Kabylie » livre de Youcef Zirem

Histoire de Kabylie, le point de vue kabyle», de Youcef Zirem.
Une traversée de l’histoire de la Kabylie de l’antiquité à nos jours.
«Histoire de Kabylie, le point de vue kabyle», de Youcef Zirem aux éditions Yoran Embanner, est un livre passionnant, si étonnant par la force de la narration qu’on s’y croirait. On peut dire que l’écrivain Youcef Zirem nous a surpris avec ce livre d’histoire écrit par un kabyle sur cette région d’Algérie habitée par les berbères kabyles depuis la préhistoire. Jusqu’ici nous étions habitués à voir des auteurs étrangers à notre culture écrire sur notre histoire.Youcef Zirem est le premier kabyle à écrire sur l’histoire de son peuple dont les origines remontent à la nuit des temps. Les Kabyles sont un peuple pacifique qui a fait de la liberté et de la poésie depuis des milliers d’années un art de vivre où les contes, les chants, font partie du quotidien. Le livre se présente comme un résumé condensé exhaustif de l’histoire de la Kabylie.
La couverture de la première édition du livre est un dessin représentant Si Mohand Ou Mhand, le célèbre poète kabyle de l’errance et de la révolte, de la confédération des Aït Iraten. Il est né entre 1840 et 1845 à Icheraiouen, à Larbaâ Nath Irathen, et mourut le 28 décembre 1906 à l’hôpital des Sœurs blanches, près de Michelet (Aïn- El-Hammam) il est enterré au cimetière de Tikorabin, Asqif Netmana (le portique de la sauvegarde), dans le coin réservé aux étrangers. Si Mohand Ou Mhand a marqué la deuxième moitié du 19ème siècle et le début du 20ème siècle.Si Mohand Ou Mhand a été poussé sur les routes après la destruction de son village par les français. Il n’accepta pas le nouvel ordre dicté par l’occupant refusant toute compromission avec la présence coloniale, il vécut en poète errant libre, égrainant des rimes, jamais soumis, maniant le verbe kabyle avec grand art, dénonçant le colonialisme et les travers de son temps.
Si Mohand Ou Mhand est entré dans la légende de son vivant comme ce fut le cas du poète chanteur kabyle Slimane Azem dans la deuxième moitié du 20ème siècle qui refusa toute compromission avec le pouvoir autoritaire de l’Algérie indépendante qui allait museler les libertés démocratiques et tenter d’effacer l’identité millénaire berbère. En fervent défenseur des libertés démocratiques et de son identité kabyle berbère occultée par l’Algérie indépendante, Slimane Azem fut contraint à l’exil. Il mourut en France en 1983. La couverture de la réédition du livre est un dessin représentant l’héroïne guerrière kabyle Fadhma N’Soumer qui a résisté à la conquête française de 1849 à 1857. Elle est née en 1830 dans le village de Werja (Ouerdja), situé sur la route menant d’Aïn El Hemmam vers le col de Tirourda. Elle mena une résistance armée acharnée contre les Français. Le 27 juillet 1857, elle fut arrêtée au village Takhlicht Nath Atsou. Fadhma N’Soumer meurt en captivité en septembre 1863 à l’âge de 33 ans à Tablat. Ses cendres ont été transférées en 1994 à El Alia à Alger.
Il n’est pas aisé d’être le premier kabyle à écrire l’histoire de cette région et pourtant Youcef Zirem l’a fait avec le talent et la magie féconde pour nous captiver et nous émerveiller, dans un élan poétique de conteur, qu’ont seulement les plus grands écrivains. Les kabyles sont un peuple épris de liberté, véhiculant les plus hautes valeurs humaines, d’entraide, d’hospitalité, de démocratie, de droit d’asile, où la prison n’existe pas, où le fonctionnement du pouvoir ne génère aucun salaire. Les kabyles sont un peuple berbère constitué en tribus, en villages, en fédérations et confédérations. « Histoire de Kabylie » est donc une plongée dans l’histoire millénaire de cette partie d’Afrique du nord, la partie Algérienne, la Kabylie, à travers l’histoire si riche de cette Afrique du nord berbère. Le Kabyle a toujours défendu sa langue, sa culture et sa liberté depuis des millénaires. Cette terre africaine du soleil, de toutes les richesses, était très convoitée, les envahisseurs furent nombreux. Le peuple kabyle a résisté depuis des siècles aux différentes invasions, en préservant sa langue et sa culture qui sont toujours vivaces de nos jours. Il n’a jamais plié jusqu’à l’arrivé des français. Le kabyle qui a vécu en harmonie avec la nature qui l’entoure n’a pas résisté à la politique de la terre brûlée organisée par ceux-ci.
C’est vers l’an 1000 avant J-C, que les Phéniciens installent des comptoirs le long de la côte nord-africaine pour asseoir leur domination commerciale en méditerranée, s’accommodant avec les royaumes numides avant que les Romains en fins stratèges, concurrents militaires et commerciaux ne viennent à leur tour tenter d’imposer leur domination sur l’Afrique du Nord berbère. Les kabyles comme les autres peuples berbères ont résisté à leur pénétration. Mais la convoitise de cette Afrique du nord va grandissante et la Kabylie va subir d’autres invasions, les Vandales, les Byzantins, les Arabes, les Espagnols, les Turcs et les Français. Islamisés les kabyles vont participer à la fondation de plusieurs dynasties berbères musulmanes dont la dynastie des fatimides qui fonda le Caire en l’an 969.La domination turque n’a pas réussi à soumettre la Kabylie et les français ne viennent à bout de la résistance Kabyle qu’en 1872. «Lorsque la guerre d’Algérie éclate, la Kabylie est l’un des plus grands bastions de cette lutte pour la liberté. Mais une fois l’indépendance acquise, le régime d’Alger n’a de cesse de marginaliser cette région qui ne se laisse pas faire. La Kabylie se bat toujours pour ses valeurs, sa langue et sa culture.»Youcef Zirem traverse l’histoire avec élégance relatant avec finesse l’essentiel. On apprend aussi énormément sur l’histoire contemporaine de la Kabylie, de l’indépendance à nos jours. Si aujourd’hui l’obscurantisme tente de lui faire perdre ses repères, son esprit libre et démocratique, il n’y parviendra pas, car les kabyles sont conscients du danger et semblent vouloir prendre leur destin en main. La Vérité, la liberté en sortiront vainqueurs, la lumière effacera les oppresseurs. Youcef Zirem réussit un coup de génie pour un livre d’histoire, donner la parole à quelques intellectuels pour donner leur point de vue sur l’histoire de la Kabylie et réactualiser le livre en l’augmentant de plusieurs pages à chaque nouvelle réédition.
Brahim SACI
Le 31 octobre 2018
Le Matin d’Algérie
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Une pensée pour mon ami le regretté Achour Badache, paix à son âme !
Mon grand ami Achour Badache était une grande âme qui s’en est allée bien trop tôt, le 23 juillet 2018 à l’âge de 52 ans. La nouvelle de sa mort survenue à Alger était tombée comme un couperet.
Je n’arrivais pas à y croire, nous devions manger ensemble à Azazga, il m’avait proposé de m’y rejoindre en voiture pour nous restaurer dans cette ville kabyle située à 135 km d’Alger, cette ville célèbre pour ses restaurants et son accueil légendaire.
La distance n’avait peu d’importance pour lui lorsqu’il s’agit de rejoindre un ami. J’ai rarement rencontré un homme aussi fidèle en amitié et à la parole donnée.
D’une mère française et d’un père kabyle, il était l’exemple même de la double culture.
Il maîtrisait admirablement la langue kabyle et était très attaché aux valeurs légendaires qu’elle véhicule. Il aimait la Kabylie, il aimait l’Algérie qu’il désirait plus que tout voir se démocratiser pour le bonheur du peuple algérien. Je sais qu’il aurait aimé assister au réveil de ce grand peuple, à toutes ces manifestations pacifiques saluées par le monde entier.
Achour Badache était plein d’amour, il aimait tant la vie. Toujours jovial, d’une immense générosité toujours prêt à rendre service, un grand homme de culture, un grand humaniste, un homme merveilleux qui nous manquera toujours.
Achour Badache aimait les livres, les arts. Nous nous retrouvions souvent au café littéraire l’impondérable animé par Youcef Zirem. En compagnie de Youcef Zirem, nous partagions le verre de l’amitié, nous discutions avec joie du livre et nos échanges étaient à chaque fois des plus profonds et d’une grande portée littéraire.
Il aimait mes chansons, il avait tous mes livres ainsi que les livres de Youcef Zirem, Sa générosité était immense, il achetait un grand nombre d’exemplaires qu’il offrait toujours avec plaisir.
A chaque fois qu’il venait au café littéraire il achetait évidemment les livres de l’auteur invité et il ne manquait jamais de poser des questions pertinentes pour enrichir l’échange intellectuel toujours avec douceur et gentillesse sans jamais froisser l’invité mais au contraire encourageant toujours.
Il a aidé beaucoup de jeunes artistes en difficulté tant il aimait l’art avec cette volonté majestueuse de vouloir toujours aider. Toujours prêt à rendre service.
Il me parlait souvent de sa famille, de ses enfants qu’il aimait tant qu’il était impatient de voir grandir. Malheureusement le destin en a décidé autrement.
Que dieu tout puissant t’accueille dans son vaste paradis.
Sur terre tu étais un exemple, tu portais en toi les plus hautes valeurs humaines, l’amour des autres, la solidarité, l’entraide, la générosité, donner sans rien attendre en retour en digne héritier de la sagesse et des valeurs nobles kabyles d’antan.

16 Avril 2019
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Une pensée pour le poète Meziane El Djouzi qui nous a quitté le 21 mars 2019 à 68 ans, paix à son âme.
Mon ami le poète Meziane El Djouzi nous laisse un grand vide, il était un homme généreux, humaniste, il nous manquera toujours. Il aimait les livres, il savait combien la lecture éclaire, nourrissant le cœur et l’esprit.
Meziane El Djouzi aimait les livres, il était un fidèle lecteur de mes poésies et des romans de mon ami Youcef Zirem. N’habitant pas Paris, je me souviens qu’il était venu de la campagne spécialement pour nous rencontrer et a affectueusement insisté pour nous inviter Youcef Zirem et moi à dîner à Paris. Un soir, nous nous sommes retrouvés avec joie dans un restaurant kabyle célèbre au 85 rue de Buzenval dans le XXè arrondissement de Paris, autour d’un bon couscous kabyle. Je me souviens combien nos échanges culturels, autour des livres, de la poésie, étaient élevés et enrichissants.
Il nous parla de l’Algérie, de la Kabylie avec beaucoup d’émotion et de nostalgie. Il nous confia combien la guerre d’Algérie a marqué son enfance. Mais même s’il a quitté l’Algérie enfant, il resta très attaché à la Kabylie, il maîtrisait d’ailleurs parfaitement la langue kabyle.
Il est venu plusieurs fois assister au café littéraire de l’Impondérable qu’anime mon ami l’écrivain poète journaliste Youcef Zirem tous les dimanches au 320 rue des Pyrénées dans le 20ème arrondissement de Paris. IL était à chaque fois très enthousiasmé, heureux, transporté par les échanges entre les auteurs et le public. Il n’hésitait pas en homme de lettres, éclairé, soucieux d’apporter quelques choses, de poser des questions enrichissantes en toute convivialité aux auteurs invités. Les discussions continuaient chaleureusement autour d’un verre qu’il aimait offrir généreusement, jusqu’au bout de la nuit.
Je garde le souvenir d’un homme jovial, sensible, cultivé, généreux. IL aimait la vie, les amis, le partage.IL avait lui même une belle plume avec une âme de poète, je l’avais encouragé à maintes reprises à publier ses écrits. Il est parti hélas bien trop tôt.
Meziane El Djouzi fut un poète humble, un homme bon proche de tous, il continue à vivre dans la mémoire de ceux qui l’ont connu.
Brahim SACI
22 Mars 2020
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Une pensée pour l’homme de culture Chérif Messaouden, paix à son âme.

Tu étais un grand homme de culture, un grand militant, un homme généreux qui connaissait la valeur de l’amitié, tu nous as quittés le 18 avril 2010 bien trop tôt, des suites d’une longue maladie, à l’âge de 44 ans.Chérif Messaouden a dirigé le Cercle culturel Igelfan de la commune de Bouzeguene, le premier novembre 2004 il lança le journal » Echos de Bouzeguene », une publication culturelle d’ouverture dans la perspective enrichissante de débats démocratiques. Il avait écrit « Notre association fait sienne cette citation de Saint-Exupéry, celui qui diffère de moi, loin de me léser, m’enrichit ».
Chérif Messaouden réalisa en 2008 un documentaire » Mémoire d’un boycott », où il revient sur la grève du cartable 1994/1995.
En effet en 1994, le MCB (mouvement culturel berbère appelle à la grève du cartable pour la reconnaissance officielle de la langue berbère, (tamazight), pour qu’elle soit enseignée dans les écoles et les universités. Il dit à propos de son documentaire, « Lors du boycott scolaire qui avait été lancé par le mouvement culturel berbère (MCB) pour la reconnaissance officielle de la langue tamazight et son introduction dans l’enseignement de l’école à l’université, j’ai participé à plusieurs manifestations pendant cette période de « dissidence scolaire » de l’année 1994/1995. Beaucoup d’encre a coulé. C’est pour mieux comprendre cette épopée à inscrire à l’actif du long combat pour l’amazighité que j’ai décidé de porter un regard critique de la réalité vécue de cette période avec toute la liberté et tout le recul nécessaire à travers l’image. » Le centre culturel de Bouzeguene que tu as dirigé en tant que directeur rayonnait. Je n’oublierais jamais ce jour de 2007 où tu m’as accompagné à radio Soummam.Il y avait avec nous un autre grand ami, le journaliste Salem Hammoum, une belle plume, un des rares esprits libres du journalisme algérien, qui t’a rejoint dans l’éternité à l’âge de 65 ans le 21 septembre 2015, lui aussi des suites d’une grande maladie, paix à son âme.
Cette journée reste gravée dans mon âme. Toi et Salem, vous avez laissé un grand vide, j’ai perdu deux grands amis mais vous restez vivants dans ma mémoire. J’ai chaque jour une pensée pour vous. Tant de souvenirs s’entrechoquent dans ma tête, à chaque fois que je venais en vacances en Algérie, nous nous retrouvions souvent avec Salem Hammoum à Azazga, cette ville de Kabylie chaleureuse, célèbre pour ces restaurants.
Attablés dans un de ces bons restaurants, autour d’un bon plat nous échangions des idées culturelles, des réflexions. Nous sortions toujours de là heureux, l’esprit plus éclairé, enrichi, l’amitié agrandie. Peu de temps avant ta disparition tragique, je t’avais parlé du docteur Aziz Saibi, un chercheur libre, pluridisciplinaire, un grand homme de culture, un grand militant de la cause berbère, que j’ai bien connu à Paris, originaire de Houra, le chercheur qui a émis l’hypothèse selon laquelle la langue berbère serait
la mère des langues, qui nous a quitté le 16 juillet 2006 à l’âge de 56 ans, lui aussi des suites d’une longue maladie, paix à son âme.Tu m’avais proposé de lui rendre hommage avec le centre culturel de Bouzeguene, en associant Houra son village natal et les départements de recherche linguistique de l’université de Tizi-ouzou et de l’université de Bgayet.
Mais le sort s’est acharné, le destin en a décidé autrement, tu es parti prématurément, sans avoir pu réaliser ce projet.
Brahim SACI
22 Avril 2020
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Une pensée pour l’ingénieur homme de culture Kaci AZEM

Une pensée pour l’ingénieur homme de culture Kaci AZEM
Kaci Azem nous a quittés prématurément le 15 décembre 2019 à l’âge de 60 ans, paix à son âme. Il est décédé accidentellement, en tombant d’un olivier dans son champ, dans son village Agouni Gueghrane en Kabylie. Triste destin que celui de cet ingénieur, érudit, homme de culture, aimé de tous, ouvert sur le monde.
Une disparition tragique qui laisse sans voix, plongeant une famille, un village, ses proches et tous ceux qui l’ont connu dans la douleur et l’incompréhension. Je me souviendrais toujours de nos échanges amicaux, fraternels, éclairés,
sur les réseaux sociaux et par mails. Je garde en mémoire le souvenir d’un homme attentif, cultivé, d’une grande sagesse, d’une grande générosité, curiosité, à l’écoute de tous, de sa société et du monde.
Kaci Azem était d’un optimisme naturel orné d’une grande bonté, d’un esprit élevé, plein d’espoir, confiant en un avenir meilleur.
Nous échangions souvent sur les réseaux sociaux, des idées, des réflexions, nous évoquions souvent le légendaire Slimane Azem, dont nous partagions l’admiration.
Un jour je lui avais demandé s’il pouvait prendre quelques photos de la maison natale de Slimane Azem ainsi que des terres familiales, il a accepté avec joie. Quelques temps après, il a eu la gentillesse de m’envoyer quelques photos.
Le 23 novembre 2019, soit vingt-deux jours avant sa disparition tragique, il publia sur facebook :
(L’heure est-elle écrite, peut-on la fuir ce soir à Samarcande? Puis il cita Le poète mystique persan Farid ud-Dîn Attar (1140-1230).
(Il y avait une fois, dans Bagdad, un Calife et son Vizir. Un jour, le Vizir arriva devant le Calife, pâle et tremblant :«
Pardonne mon épouvante, Lumière des Croyants, mais devant le Palais une femme m’a heurté dans la foule. Je me suis retourné et cette femme au teint pâle, aux cheveux sombres, à la gorge voilée par une écharpe rouge était la Mort. En me voyant, elle a fait un geste vers moi. Puisque la mort me cherche ici, Seigneur, permets-moi de fuir me cacher loin d’ici, à Samarcande. En me hâtant, j’y serai avant ce soir »
Sur quoi il s’éloigna au grand galop de son cheval et disparu dans un nuage de poussière vers Samarcande. Le Calife sortit alors de son Palais et lui aussi rencontra la Mort. Il lui demanda :« Pourquoi avoir effrayé mon Vizir qui est jeune et bien-portant ? »
– Et la Mort répondit :
« Je n’ai pas voulu l’effrayer, mais en le voyant dans Bagdad, j’ai eu un geste de surprise, car je l’attends ce soir à Samarcande »).
Kaci Azem nous invite à la réflexion et à la méditation par cette pensée à la portée mystique et philosophique qui interpelle le coeur et l’esprit humain, comme pour nous rendre meilleurs. La nouvelle de sa mort tragique est tombée comme un couperet.
Nous n’oublierons jamais cet homme, cultivé, au sourire plein de bonté, aimé de tous.
Brahim SACI
Le 09 mai 2020
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